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refroidies, se coagulent, surnagent la surface du mélange, & prennent la consistence & la forme de la graisse & même la solidité du suif. Il observe après cela que les animaux qui vivent de viandes s’engraissent plus difficilement & plus rarement que les animaux qui ne vivent que d’herbes ou de grains, & sur-tout les ruminans qui sont les seuls qui fournissent du suif proprement dit ; ce qu’il pense devoir être attribué à cette différence d’alimens, parce que ceux qui sont tirés du regne végétal sont imprégnés de cet acide coagulant qui ne se trouve point dans les chairs dans toutes les autres productions du regne animal, excepté le lait. De-là vient que l’huile nourriciere qui en est extraite par la digestion, n’étant point susceptible de se figer lorsqu’elle est déposée dans les cellules adipeuses, ne peut point y former de la graisse ferme, solide ; elle est reportée dans la masse des humeurs, en retenant sa fluidité huileuse, & elle y fournit matiere à la confection du sang, de la lymphe gélatineuse, & se détruit ensuite par l’action de la vie, sous une forme qui la dispose à être évacuée avec les différentes humeurs excrémenticielles dont elle est la partie rancide. D’où il résulte, selon l’auteur cité, que les animaux qui mangent peu de végétaux ne peuvent avoir que peu de graisse de consistance solide : mais il faut un acide mêlé avec l’huile des alimens, pour former cette graisse. Pourquoi cet acide ne s’y trouve-t-il pas dans l’analyse ? Il n’y a pas encore de preuves qu’il en existe en nature dans aucune des humeurs animales. Voyez Fermentation, (Economie anim.)

Les parties huileuses qui sont destinées à fournir la matiere de la graisse, sont pour cet effet séparées de la masse du sang, comme la matiere de toutes les autres secrétions : les injections anatomiques ne laissent aucun doute à cet égard ; étant faites dans les arteres qui se distribuent aux membranes adipeuses, les liqueurs injectées passent facilement & constamment de ces arteres dans les cellules dont sont composées les membranes, les remplissent & les parcourent dans toute leur étendue par le moyen des communications qui sont entre elles : la même chose arrive aussi de l’injection faite dans les veines correspondantes. C’est donc dans la partie où l’artere se change en veine, que se fait la séparation des molécules huileuses, & qu’elles entrent dans des conduits particuliers destinés à les porter dans les cellules adipeuses. Ces conduits & leurs orifices sont très-larges à proportion du diametre des vaisseaux sanguins d’où ils partent ; ils sont aussi très-courts. Ainsi entre les différentes parties du sang, qui est un fluide bien hétérogene, celles qui sont le plus legeres, ou qui ont le moins de densité, de gravité spécifique, qui ont le mouvement le plus lent, & qui ont le moins de disposition à conserver la direction de celui qu’elles ont d’abord reçû, doivent, selon les lois de l’Hydraulique, se porter, ou pour mieux dire, être jettées vers les parois des vaisseaux, & pénétrer dans les ouvertures collatérales, lorsqu’il s’en trouve qui sont propres à les recevoir, tandis que les parties les plus denses, les plus mobiles, suivent l’axe du vaisseau, & s’écartent le moins de la direction du mouvement qu’elles ont reçû. Ainsi les molécules huileuses doivent enfiler les conduits adipeux, les canaux secrétoires des sucs graisseux, tandis que les globules du sang continuent leur route dans le milieu des arteres, pour passer dans les veines. Voyez Secrétions.

Ces sucs étant continuellement portés dans les cellules adipeuses, s’y accumulent, les remplissent jusqu’à ce que ces cellules résistent à une trop grande dilatation, & se vuident dans les voisines à proportion que les premieres reçoivent de nouvelle matiere pour être distribuée aux suivantes, & ainsi

des unes aux autres, jusqu’à celles qui communiquent à des veines sanguines correspondantes, qui reçoivent la surabondance des sucs graisseux dont se déchargent les cellules, après qu’ils les ont toutes parcourues dans l’intervalle des arteres qui rampent dans l’intérieur des membranes, & les veines qui en partent. Le suintement huileux qui se fait continuellement à-travers les membranes de ces cellules contribue à relâcher les tuniques de ces arteres, à en affoiblir le ressort, rend par-là le mouvement du sang plus lent, tout étant égal, que dans d’autres arteres aussi éloignées du centre du mouvement ; ensorte que cette lenteur favorise beaucoup la séparation des molécules huileuses ; ce qui forme dans les animaux gras une disposition à s’engraisser toûjours davantage, sur-tout lorsqu’à cette disposition particuliere se joint le défaut d’exercice ; par où l’impulsion du sang dans les vaisseaux capillaires, est encore considérablement diminuée, & chaque partie du sang suit alors de plus en plus la tendance à la cohésion, que lui donne sa gravité spécifique, à proportion que la force du torrent s’affoiblit ; tendance qui est une des principales causes qui concourent dans la secrétion de la graisse, comme dans celle de toutes les autres humeurs.

Et comme les sucs huileux en se séparant du sang, ne sont pas absolument dégagés des parties séreuses, puisqu’elles servent de véhicule à toutes les humeurs en général dans leur cours, ils ne pourroient pas prendre la consistance de graisse, s’ils ne se dépouilloient pas de ces parties qui leur deviennent inutiles & leur empêchent de former un tout homogene. La nature pourvoit à cette dépuration vraissemblablement, en faisant dans les cellules adipeuses mêmes une nouvelle secrétion des parties aqueuses par des vaisseaux collatéraux qui partent de ces cellules & reçoivent ces parties pour les porter dans les vaisseaux lymphatiques ; ensorte que les sucs graisseux parviennent à s’épaissir de plus en plus à proportion qu’ils se dépurent davantage, & qu’ils perdent plus de leur mouvement progressif dans les différentes cavités des cellules qu’ils parcourent ; & à mesure que les molécules huileuses se réunissent entre elles en vertu de leur analogie naturelle, sans aucun corps étranger intermédiaire, & acquierent plus de consistence : d’où s’ensuit enfin la formation complette de la substance onctueuse contenue dans ces cellules, qui devient une vraie graisse ; ce qui peut être comparé à ce qui se fait dans certains arbres, dont les sucs abondans principalement en parties aqueuses dans le tronc, se filtrent dans les branches & dans l’écorce, de maniere que ces parties s’en séparent entierement & qu’il en résulte des substances huileuses, inflammables, comme les baumes, les résines. La graisse tirée du corps des animaux n’est jamais dépouillée à ce point-là de son humidité : mais pour peu qu’elle soit exposée à l’action du feu pour en faire évaporer les parties aqueuses qui lui restent, elle devient aisément susceptible de prendre flamme.

Plusieurs physiologistes regardent la graisse ou les sucs huileux, filtrés, & déposés dans les cellules des différentes membranes adipeuses, comme une matiere qui étant reportée de ces cellules par des veines dans la masse des humeurs, est principalement destinée à contribuer à la formation des globules rouges du sang, & par conséquent à la nutrition. Voyez Sanguification, Nutrition. Tel est l’usage général qu’ils attribuent à cette substance ; il n’est pas douteux qu’il ne se fasse une circulation des parties fluides de la graisse, qu’elles ne rentrent dans les vaisseaux sanguins, après avoir parcouru les cellules adipeuses qui sont entre les arteres & les veines correspondantes. Cela est bien prouvé par ce qui arrive à la suite des exercices violens, des grandes