tampon que vous appuyez legerement l’enleve, & laisse des parties de la planche à découvert.
Lorsque cette opération est faite, vous remettez un instant votre planche sur le réchaud ; & lorsque le vernis a pris une chaleur égale qui le rend luisant par-tout, vous vous servez, ainsi que pour le vernis dur, des morceaux de bougie jaune, à la fumée desquels vous noircissez votre planche avec les attentions que j’ai prescrites ; après quoi vous laissez bien refroidir la planche dans un endroit qui soit à l’abri de la poussiere, pour vous en servir comme je vais le dire.
Voici donc la planche qu’on destine à la gravure, forgée, polie, vernie, soit au vernis dur, soit au vernis mou, & noircie ; ensorte qu’elle ne semble plus un morceau de cuivre, mais une surface noire & unie, sur laquelle il s’agit de tracer le dessein qu’on veut graver.
La façon la plus ordinaire de transmettre sur le vernis les traits du dessein qu’on doit graver, est de frotter ce dessein par-derriere avec de la sanguine mise en poudre très-fine, ou de la mine de plomb. Lorsqu’on a ainsi rougi ou noirci l’envers du dessein, de maniere cependant qu’il n’y ait pas trop de cette poudre dont on s’est servi, on l’applique sur le vernis par le côté qui est rouge ou noir ; on l’y maintient avec un peu de cire qu’on met aux quatre coins du dessein : ensuite on passe avec une pointe d’argent ou d’acier qui ne soit pas coupante, quoique fine, sur tous les trains qu’on veut transmettre, & ils se dessinent ainsi sur le vernis. Après quoi on ôte le dessein ; & pour empêcher que ces traits legers qu’on a tracés en calquant ne s’effacent lorsque l’on appuie la main sur le vernis en gravant, on expose la planche un instant sur un feu presque éteint, ou sur du papier enflammé, & on la retire dès qu’on s’apperçoit que le vernis rendu un peu humide, a pu imbiber le trait du calque.
Cette façon de calquer la plus commune & la plus facile a un inconvénient ; les objets dessinés ainsi sur la planche & gravés, se trouveront dans les estampes qu’on imprimera, placés d’une façon contraire à celle dont ils étoient disposés dans le dessein : il paroîtra par conséquent dans les estampes que les figures feront de la main gauche les actions qu’elles sembloient faire de la main droite dans le dessein qu’on a calqué ; & quel que soit cet inconvénient, il est si desagréable ou si nuisible à l’usage qu’on attend de la gravure, qu’il faut absolument le surmonter. Voici les différens moyens qu’on a pour cela. 1°. Si le dessein original est fait avec la sanguine ou la mine de plomb, il faut, au moyen de la presse à imprimer les estampes, en tirer une contre-éprouve, c’est-à-dire, transmettre un trait ou une empreinte de l’original sur un papier blanc, en faisant passer le dessein & le papier qu’on a posé dessus, sous la presse, comme on le dira à l’article de l’Impression des Estampes ; alors on a une représentation du dessein original dans un sens contraire. En faisant ensuite à l’égard de cette contre-épreuve ce que j’ai prescrit tout-à-l’heure pour le dessein même, c’est-à-dire en calquant la contre-épreuve sur la planche, les épreuves qu’on tirera de cette planche lorsqu’elle sera gravée, offriront les objets placés du même sens qu’ils le sont sur l’original.
Si le dessein n’est pas fait à la sanguine ou à la mine de plomb, & qu’il soit lavé, dessiné à l’encre, ou peint, il faut user d’un autre moyen que voici. Prenez du papier fin vernis, avec l’esprit de térébenthine, ou le vernis de Venise, qui sert à vernir les tableaux ; appliquez ce papier qui doit être sec & qui est extraordinairement transparent sur le dessein ou sur le tableau : dessinez alors les objets que vous voyez au-travers avec le crayon ou l’encre de la
Chine. Ensuite ôtant votre papier de dessus l’original, retournez-le ; les traits que vous aurez formés & que vous verrez au-travers, y paroîtront disposés d’une façon contraire à ce qu’ils sont dans l’original ; appliquez sur la planche le côté du papier sur lequel vous avez dessiné ; mettez entre ce papier vernis & la planche, une feuille de papier blanc, dont le côté qui touche à la planche soit frotté de sanguine ou de mine de plomb ; assûrez vos deux papiers avec de la cire, pour qu’ils ne varient pas ; & calquez avec la pointe, en appuyant un peu plus que vous ne feriez s’il n’y avoit qu’un seul papier sur la planche ; vous aurez un calque tel qu’il faut qu’il soit pour que l’estampe rende les objets disposés comme ils le sont sur le dessein.
Je dois ajoûter ici que pour vous conduire dans l’exécution de la planche, il vous faudra consulter la contre-épreuve, ou le dessein que vous aurez fait ; & que si vous voulez, pour une plus grande exactitude, vous servir du dessein ou du tableau original, il faut le placer de maniere que se réfléchissant dans un miroir, le miroir qui devient votre guide, vous présente les objets du sens dont ils sont tracés sur votre planche.
Ces moyens que je viens d’indiquer, sont propres à préparer le trait lorsque l’on grave un dessein ou un tableau de la même grandeur qu’il est ; mais s’il est nécessaire, comme il arrive souvent, de diminuer ou d’augmenter la proportion des objets, il faut se servir des opérations indiquées aux mots Graticuler ou Réduire.
La planche étant préparée au point qu’il ne s’agît plus que de graver, il est bon de donner une idée générale de l’opération à laquelle on veut parvenir, en gravant à l’eau-forte ; ensuite nous dirons de quels instrumens on se sert.
Le vernis dont on vient d’enduire la planche, est de telle nature que si vous versez de l’eau-forte dessus, elle ne produira aucun effet ; mais si vous découvrez le cuivre en quelqu’endroit, en enlevant ce vernis, l’eau-forte s’introduisant par ce moyen, rongera le cuivre dans cet endroit, le creusera, & ne cessera de le dissoudre, que lorsque vous l’en ôterez, ou qu’elle aura perdu & consumé sa qualité corrosive. Il s’agit donc de ne découvrir le cuivre que dans les endroits que l’on a dessein de creuser, & de livrer ces endroits à l’effet de l’eau-forte, en ne la laissant opérer qu’autant de tems qu’il en faut pour creuser, suivant votre intention, les endroits dont vous aurez ôté le vernis : vous vous servirez pour cela d’outils qu’on nomme pointes & échopes.
La façon de faire des pointes la plus facile est de choisir des aiguilles à coudre de différentes grosseurs, d’en armer de petits manches de bois de la grandeur d’environ cinq ou six pouces, & de les aiguiser au besoin & à son gré, pour les rendre plus ou moins fines, suivant l’usage qu’on en veut faire. On peut mettre à ces outils le degré de propreté qu’on juge à-propos ; on peut se servir de morceaux de burins, qui étant d’un très-bon acier, sont très-propres à faire des pointes ; & quant à la maniere de les monter, c’est ordinairement une virole de cuivre qui les unit au bois, au moyen d’un peu de mastic ou de cire d’Espagne. J’ai éprouvé que des morceaux de burins arrondis & enfoncés profondément dans un manche de bois assez gros pour faire l’effet d’un porte-crayon de cuivre, formoient de très-bonnes pointes ; la profondeur dont elles sont enfoncées supplée à la virole, & fait que lorsque vous voulez entamer le cuivre, & appuyer quelques touches, elles se prêtent à la force que vous y mettez sans se démancher. La façon de les aiguiser est de les passer sur une pierre fine à aiguiser, en les tournant sans cesse entre les doigts pour les arrondir parfaitement. On sent aisé-