cependant on doit toujours joindre à ces moyens propres à détruire les causes prédisponentes, les remedes convenables pour resserrer, cicatriser les vaisseaux ouverts ; tels sont les absorbans, & surtout les astringens appropriés, pourvu qu’il n’y ait pas de contre-indication à cet égard : on doit aussi recourir quelquefois aux narcotiques, aux antispasmodiques, & les mêler aux autres médicamens indiqués, lorsqu’on a lieu de penser qu’il existe une tension dans le genre nerveux, qui détermine les humeurs à se porter vers la partie affectée, comme étant respectivement la plus foible dans le système des solides. Voyez Hémorrhagie, Absorbant, Astringent, Narcotique, Antispasmodique.
HÉMORRHAGIE, s. f. (Pathologie) hæmorrhagia. Ce terme emprunté des Grecs, est employé dans sa signification propre, pour exprimer une effusion de sang hors de ses vaisseaux & de la partie qu’ils composent, qui se fait d’une maniere sensible & assez considérable.
Le mot αἱμοῤῥαγια paroît être dérivé, ἀπὸ του αἱματος καὶ ῥαγῆναι : il a le même sens, selon Galien, dans ses Œuvres sur Hippocrate, que ἀθρόως ὁρμαν, sortir, jaillir abondamment & avec assez de force ; car lorsque le sang sort de quelque partie avec lenteur & en petite quantité, c’est ce qu’Hippocrate appelle ἐῤῥυσιν ou σταλαγμὸν : néanmoins Galien avertit que lorsque l’on trouve dans Hippocrate le mot hémorrhagie sans adjectif, pour déterminer de quelle partie le sang s’écoule, il doit alors ne s’entendre que de l’éruption de ce fluide par les narines ; mais on a le plus communément employé le mot hémorrhagie, comme un terme générique, pour signifier toute sorte de flux-de-sang qui se fait immédiatement hors du corps, de la maniere qui vient d’être exposée dans la définition. C’est sous cette acception qu’il va être traité de l’hémorrhagie dans cet article : au surplus, on peut consulter les définitions médicales de Gorrée, où l’on trouvera discuté tout ce qui a rapport aux différentes significations de ce mot.
Il n’y a aucune partie du corps humain vivant, qui ne soit sujette à l’hémorrhagie, parce qu’il n’y a aucune partie où il ne se trouve des vaisseaux sanguins, susceptibles d’être ouverts par quelque cause que ce soit, tant externe qu’interne ; l’expérience prouve journellement que les corps de figure à couper, à piquer, à percer, à déchirer, peuvent donner lieu à des écoulemens de sang, dans quelque partie molle que soient produits ces effets, par l’écartement des fibres entre elles qui composent les parois des vaisseaux, par la solution de continuité de leurs membranes, de leurs tuniques.
Mais ce qui est le plus remarquable, c’est que, selon l’observation des médecins, tant anciens que modernes, l’on a vu par de seules causes internes, le sang s’écouler par les paupieres, par les angles des yeux, par l’extrémité des cheveux, par le bout des doigts, des orteils, par le nombril, par les mammelons, &c. on a même vu de véritables hémorrhagieS se faire par les pores de différentes parties des tégumens, sans aucune cause, sans aucune marque sensible de solution de continuité ; cependant ces sortes d’hémorrhagies sont très-rares : celles qui se présentent communément par l’effet de causes internes, sont celles qui se font par la voie des narines, par le crachement, par l’expectoration, par le vomissement, par les déjections, par l’issue de la matrice, par le vagin, par la voie des urines, & même quelquefois par celle des sueurs.
Les hémorrhagies produites par des causes méchaniques externes, doivent être regardées comme des symptomes des différentes sortes de blessures, de plaies (voyez Plaie), ou comme des effets quelque-
Il ne peut être traité dans cet article que des généralités concernant les hémorrhagies de cause interne ; ces hémorrhagies sont de différente nature, selon les causes qui les produisent ; les effusions de sang, qui n’arrivent dans les malades que par accident, par une suite de mauvais effets de la cause morbifique, sont appellées symptomatiques. Celles qui sont une suite des efforts salutaires que fait la nature, pour prévenir, pour empêcher, ou pour faire cesser les effets de la cause morbifique qui se forme actuellement, ou qui est déja formée, sont regardées comme critiques. Voyez Crise.
Les hémorrhagies, de quelque espece qu’elles soient, dépendent de causes générales ou particulieres, ou des unes & des autres ensemble.
Dans toute hémorrhagie, la cause prochaine est l’impulsion du sang vers les vaisseaux d’où se fait l’écoulement ; impulsion qui doit être assez forte pour surpasser la force de cohésion des parties intégrantes qui composent ces vaisseaux ; cette force, qui tant qu’elle subsiste, conserve l’intégrité de leurs parois. La cause prochaine de l’hémorrhagie doit donc être attribuée, ou à l’augmentation en général du mouvement progressif du sang, & à la foiblesse respective des vaisseaux forcés par lesquels se fait l’hémorrhagie, qui ne peuvent résister à un plus grand effort des fluides qu’ils contiennent, ou à la foiblesse absolue des vaisseaux qui s’ouvrent contre nature, parce qu’ils perdent leur force naturelle de solidité, par quelque cause que ce soit, & ne sont pas en état de résister aux mouvemens des humeurs, même à ceux qui ne sont que l’effet des forces vitales ordinaires ou peu augmentées.
Il suit également de chacune de ces causes, que le vaisseau forcé se dilate outre mesure, ou qu’il se déchire dans le point où il ne peut résister, soit par le défaut d’équilibre entre les solides particuliers qui le composent, & ceux de toutes les autres parties du corps, par la contrenitence de ces parties, vers celle qui est forcée à céder, (voyez Équilibre, écon. anim.) soit, tout étant égal, par l’addition de force dans tous les solides en général, qui se réunissent contre la partie où cette addition n’a pas lieu, ou n’est pas proportionnée ; ce qui rend entiérement passive la partie qui cede respectivement à toutes celles dont l’action est augmentée à son exclusion ; ce qui établit une inégalité bien réelle dans le cours du sang, laquelle ne peut être attribuée qu’à l’autocratie de la nature, qui opere ces effets par des mouvemens spasmodiques appropriés. Voyez Nature, Spasme.
L’engorgement des vaisseaux, dans le cas d’inflammation ou dans celui d’obstruction, en augmentant les résistances au cours des humeurs dans la partie affectée, en y gênant leur mouvement progressif, donne lieu à de plus grandes dilatations des parois de ces vaisseaux, ou des collatéraux ; d’où s’ensuit, lorsque la disposition s’y trouve, qu’ils sont forcés à se rompre, ou à souffrir une sorte de dilatation dans les orifices qui répondent à leur cavité, effet qui est ce qu’on appelle anastomose, & qui s’opere au point de laisser passer par erreur de lieu, les fluides qu’ils contiennent dans un genre de vaisseaux différens, qui se laissant aussi forcer de plus en plus, d’autant qu’ils sont moins propres à résister aux efforts d’un fluide qui leur est étranger par la trop grande consistence, & par son mouvement disproportionné, permettent à ce fluide de les parcourir,