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de dissipation : aussi Hippocrate assure-t-il (aphor. xiij. sect. 1.) que les vieilles gens se passent plus facilement de manger que les autres, par opposition aux enfans qui ne se passent que difficilement de prendre de la nourriture, & ainsi à proportion, tout étant égal, par rapport aux différens tems de la vie. Voyez Diete, Aliment, Abstinence, Nourriture.

JEÛNER (faire) un arbre. Cette opération est encore fort récente dans le jardinage. On suppose un arbre dont un côté pousse vigoureusement pendant que l’autre est très-maigre. On fait soustraction des sucs de la terre en ouvrant le côté gras de la bonne terre jusqu’aux racines, & en lui substituant de la terre maigre ou un sable de ravine ; on fait pareille fouille du côté maigre, & l’on y met les engrais nécessaires. On s’apperçoit quelque tems après d’un changement total, par l’égalité d’embonpoint où se trouve l’arbre ; si c’est un arbre en espalier, on dépalisse les branches maigres pour les laisser pousser en liberté, & l’on contraint un peu les branches vigoureuses pour en arrêter la seve, souvent même on les tord un peu. (K)

JEUNESSE, juventus, s. f. (Littérat.) c’est cet âge qui touche & qui accompagne le dernier progrès de l’adolescence, s’étend jusqu’à l’âge viril, & va rarement au-delà de trente ans.

Les Grecs l’appelloient d’ordinaire l’autonne, ὀπώραν, regardant la jeunesse comme la saison de l’année où les fruits parvenus au point de leur maturité sont excellens à cueillir. Pindare dit dans l’Ode II des Isthmioniques,

Ὅστις ἐὼν καλὸς εἶχεν Ἀφροδίτας
Εὐθρόνου μνάστειραν ἁδίσταν ὀπώραν
.

« De tous les beaux garçons chez qui l’autonne (c’est-à-dire le printems de la vie) reveille la passion de l’amour ».

Les Latins suivirent les mêmes idées, ou les emprunterent des Grecs ; de-là vient qu’Horace compare un jeune homme à une grappe de raisin que l’autonne va peindre de ses plus vives couleurs.

Jam tibi lividos
Distinguet autumnus racemos
Purpuero varius colore.

Ode v, lib. II.

Dans notre langue nous avons attaché une idée toute différente au mot d’autonne, par rapport à l’âge ; & nous ne nous en servons qu’au sujet des personnes qui commencent à vieillir. Nos poëtes appellent la jeunesse le printems des beaux jours, & en d’autres termes,

Cette agréable saison
Où le cœur à son empire
Assujettit la raison.

Le Guarini la nomme verde étade ; elle porte partout avec elle les heureuses saillies de l’imagination, les attraits séduisans, & les graces enchanteresses.

Cet âge a ses défauts comme les autres, qui n’ont pas échapé au crayon des grands peintres.

Un jeune homme toujours bouillant dans ses caprices,
Est prompt à recevoir l’impression des vices,
Est vain dans ses discours, volage en ses desirs,
Rétif à la censure, & fou dans les plaisirs.

J’ajoûte que la jeunesse sans expérience se livre volontiers à la critique qui la dégoûte des modeles qu’elle auroit besoin d’imiter. Trop présomptueuse elle se promet tout d’elle-même quoique fragile, croit pouvoir tout, & n’avoir jamais rien à craindre ; elle se confie légerement & sans précaution. Entreprenante & vive elle pousse ses projets au-delà de sa portée, & plus loin que ses forces ne le permettent. Elle vole à son but par des moyens peu

réfléchis, s’affole de ses chimeres, tente au hasard, marche en aveugle, prend des partis extrèmes & s’y précipite ; semblable à ces coursiers indomptables qui ne veulent ni s’arrêter ni tourner.

Mais malgré les écarts de la jeunesse, & la vérité de ce tableau qui les peint d’après nature, c’est toûjours l’âge le plus aimable & le plus brillant de la vie ; n’allons donc pas ridiculement estimer le mérite des saisons par leur hiver, ni mettre la plus triste partie de notre être au niveau de la plus florissante. Si l’âge avancé veut des égards & des respects, la jeunesse, la beauté, la vigueur, le génie qui marchent à sa suite, sont dignes de nos autels.

Ceux qui parlent en faveur de la vieillesse, comme sage, mûre & modérée, pour faire rougir la jeunesse, comme vicieuse, folle, & débauchée, ne sont pas de justes appréciateurs de la valeur des choses ; car les imperfections de la vieillesse sont assurément en plus grand nombre & plus incurables que celles de la jeunesse. L’hiver de nos années grave encore plus de rides sur l’esprit que sur le front. Il se voit peu d’ames, disoit Montagne, qui en vieillissant ne sentent l’aigre & le moisi ; & quand Montagne parloit ainsi, il avoit les cheveux blancs.

En effet l’invention & l’exécution qui sont deux grandes & belles prérogatives, appartiennent à la jeunesse ; & si ses écarts menent trop loin, ceux de la vieillesse froids & glacés retardent & arrêtent perpétuellement le cours des affaires.

Le sang qui fermente dans la jeunesse, la rend sensible aux impressions de la morale, de la vertu, de l’amour, de l’amitié, & de tout ce qui attendrit l’ame. La circulation rallentie dans les vieillards, produit le refroidissement pour tous les objets capables d’émouvoir le cœur, & porte en eux seuls le repli de l’humanité.

La jeunesse est légere par bouillonnement ; la vieillesse constante par paresse. D’un côté la pétulance qui s’abuse dans ses projets ; de l’autre une méfiance générale, & des soupçons continuels ; défauts qui se peignent dans les yeux, dans les discours, & dans toute la conduite des gens âgés.

Le jeune homme est amoureux de la nouveauté, parce qu’il est curieux & qu’il aime à changer. Le vieillard est entêté de ses préjugés, parce qu’ils sont les siens, & qu’il n’a plus le tems de s’instruire, ni la force de se passionner.

En un mot on ne peut donner raisonnablement la préférence au couchant des jours sur leur midi. Mais souvenons-nous que ce midi, ce bel âge si justement vanté, n’est qu’une fleur presqu’aussi-tôt flétrie qu’elle est éclose. Les graces riantes, les doux plaisirs qui l’accompagnent, la force, la santé, la joie s’évanouissent comme un songe agréable ; il n’en reste que des images fugitives : & si par malheur on a consumé dans une honteuse volupté cette brillante jeunesse, il ne lui succede qu’un triste & cruel souvenir de ses plaisirs passés. On paye cher le soir les folies du matin. (D. J.)

Jeunesse, Prince de la (Antiq. Rom.) Voyez Prince.

Jeunesse, juventus. (Œcon. anim.) Comme le corps humain éprouve des changemens dans tous les tems de la vie, la différence la plus marquée de ces changemens est ce qui détermine celle des âges : ainsi comme on appelle enfance & adolescence ou puberté, les deux premieres parties de son cours, qui renferment l’espace de tems qui s’écoule entre la naissance & le terme de l’accroissement, on donne le nom de jeunesse au tems de la vie pendant lequel le corps, après avoir acquis les dimensions qui lui conviennent, acheve de se perfectionner en acquérant toute la force & la solidité nécessaire à sa conservation : par conséquent la durée de la jeunesse