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qualités bonnes ou mauvaises. Celui qui a dit un mensonge, ou qui a commis une injustice, n’est pas pour cela un homme injuste ni un menteur ; & celui qui a dit ou fait une impertinence, un homme impertinent. L’impertinent ne distingue ni les lieux, ni les circonstances, ni les choses, ni les personnes. Il parle, & il offense ; il parle encore, & il offense encore. Il n’est pas toujours sans esprit, mais il est sans jugement, sans délicatesse ; il rebute, il aigrit, on le hait, on le fuit ; c’est un fat outré. Je ne sais si l’impertinent est fort sensible à son propre caractere, quand il le rencontre dans un autre : je ne le crois pas. C’est le bon esprit, & un grand usage du monde qui corrigent de l’impertinence qu’on tient de la mauvaise éducation. S’il y a des hommes impertinens, il ne manque pas de femmes impertinentes. Une petite maîtresse ou une impertinente, c’est presque la même chose ; il y en a d’autres encore.

Impertinent, (Jurisprud.) est opposé à pertinent. Ce terme ne s’applique guere qu’en matiere de faits dont on demande à faire preuve, quand les faits ne sont pas de nature à être admis ; pour en ordonner la preuve, on dit qu’ils sont impertinens & inadmissibles. Voyez Faits, Pertinent & Preuve. (A)

IMPERTURBABLE, IMPERTURBABILITÉ, (Gram.) il ne se dit guere que de la mémoire. Ce prédicateur a une mémoire qui ne se trouble jamais, imperturbable. Cependant, on dit encore d’un homme qu’aucune objection n’ébranle, qu’il est imperturbable dans ses principes ; alors il est relatif à la dispute. C’est par l’étude, les connoissances acquises, la reflexion, l’intérêt, le caractere, que nous nous rendons imperturbables dans nos sentimens, nos projets, nos résolutions, &c. il faut avoir la raison pour soi, sinon d’imperturbable qu’on étoit, on devient entêté, opiniâtre.

IMPÉTRABLE, adj. (Jurisprud.) se dit de ce qui se peut demander ; ce terme n’est guere usité qu’en matiere bénéficiale. On dit qu’un bénéfice est vacant & impétrable, lorsqu’il n’est pas rempli de fait ou de droit. Voyez Bénéfice, Dévolut, Vacance. (A)

IMPÉTRANT, adj. (Jurisprud.) en termes de chancellerie, signifie celui qui obtient des lettres du prince ; cependant dans les lettres il n’est qualifié que d’exposant, parce qu’il n’est impétrant qu’après avoir obtenu les lettres. Voyez Impétration. (A)

IMPÉTRATION, s. f. (Jurisprud.) en matiere bénéficiale, se dit de l’obtention que l’on fait d’un bénéfice en cour de Rome ; il se dit aussi en style de chancellerie, pour exprimer l’obtention de toutes sortes de lettres : celui qui les obtient est appellé l’impétrant. Voyez Impétrant. (A)

IMPÉTUEUX, IMPÉTUOSITÉ, (Gram.) termes relatifs à la violence du mouvement. Le vent est impétueux ; les flots de la mer sont impétueux ; le Rhône est impétueux. Il se dit au figuré de la jeunesse, de la colere, du caractere, du zele, du style, du discours, & de presque toutes les qualités qui peuvent pécher par excès. C’est une affaire d’organisation, à laquelle ni l’éducation, ni la réflexion, ni les malheurs, ni l’âge ne remédient pas toujours. Il est dangereux de s’opposer à l’impétuosité, soit au simple, soit au figuré. Un Orateur impétueux nous entraîne ; un Orateur grave nous accable. L’impétuosité est communément de courte durée ; il faut la laisser passer.

IMPIE, adj. (Gram.) Celui qui médit d’un Dieu qu’il adore au fond de son cœur. Il ne faut pas confondre l’incrédule & l’impie. L’incrédule est un homme à plaindre ; l’impie est un méchant à mépriser. Les chrétiens qui savent que la foi est le plus grand de tous les dons, doivent être plus circonspects que les autres hommes, dans l’application de cette injurieu-

se épithete. Ils n’ignorent pas qu’elle devient une

espece de dénonciation, & qu’on compromet la fortune, le repos, la liberté, & même la vie de celui qu’on se plaît à traduire comme un impie. Il y a beaucoup de livres hétérodoxes, il y a peu de livres impies. On ne doit regarder comme impies que les ouvrages où l’auteur inconséquent & hérétique blasphême contre la religion qu’il avoue. Un homme a ses doutes ; il les propose au public. Il me semble qu’au lieu de brûler son livre, il vaudroit beaucoup mieux l’envoyer en sorbonne, pour qu’on en préparât une édition où l’on verroit, d’un côté les objections de l’auteur, de l’autre les réponses des docteurs. Que nous apprennent une censure qui proscrit, un arrêt qui condamne au feu ? rien. Ne seroit-ce pas le comble de la témérité, que de douter que nos habiles théologiens dispersassent comme la poussiere toutes les misérables subtilités du mécréant. Il en seroit ramené dans le sein de l’Eglise, & tous les fideles édifiés s’en fortifieroient encore dans leur foi. Un homme de goût avoit proposé à l’académie françoise une occupation bien digne d’elle, c’étoit de publier de nos meilleurs auteurs, des éditions où ils remarqueroient toutes les fautes de langue qui leur auroient échappé. J’oserois proposer à la sorbonne un projet bien digne d’elle, & d’une toute autre importance ; ce seroit de nous donner des éditions de nos hétérodoxes les plus célebres, avec une réfutation, page à page. D’impie on fait impieté.

IMPITOYABLE, adj, (Gramm.) qui est sans pitié. Voyez Pitié. On doit être impitoyable envers les méchans, toutes les fois que la commisération qu’on exerceroit envers eux, tourneroit contre les bons. Ce n’est pas toujours le juge, c’est la loi qui est sourde & impitoyable. On dit le fer impitoyable ne pardonnoit à personne ; l’enfer & la mort sont impitoyables. Les pécheurs impénitens trouveront dans le Dieu de la misericorde qui les a faits, & qui connoît leur foiblesse, un arbitre impitoyable. Voilà le seul cas peut-être, où la foi nous empêche de prendre ce mot en mauvaise part.

IMPLANTER, verbe actif. (Gramm. & Anat.) c’est avoir son origine & son attache profondement en quelque endroit. Les cheveux sont implantés sur la tête. Les oreillettes & les arteres s’implantent dans le cœur.

IMPLEXE, adj. (Littérat.) Il se dit des poëmes épiques, & des ouvrages dramatiques ; c’est l’opposé de simple. L’ouvrage est simple quand il n’y a point de renversement dans la fortune du héros. Implexe si la fortune du héros devient mauvaise de bonne qu’elle étoit, ou de mauvaise devient bonne. On croit que le sujet implexe est plus propre à émouvoir les passions.

IMPLICITE, IMPLICITEMENT. Implicite, adj. terme de l’école, est le contraire d’explicite, & signifie non expliquée, non développée. Volonté implicite, foi implicite.

Volonté implicite est celle qui se manifeste moins par des paroles que par des circonstances & par des faits. Telle clause, par exemple, sans être énoncée dans un contrat, y est censée contenue, parce qu’elle suit de la volonté implicite & primitive des contractans, laquelle se démontre, tant par la nature de l’acte, que par d’autres clauses équivalentes, & nettement exprimées.

Foi implicite est un acquiescement général & sincere à tout ce que l’Eglise nous propose, sans que le fidele porte sa vûe ni sa foi, sur tel ou tel article de croyance, qu’il ignore le plus souvent.

La plûpart des hommes n’ont, comme on sait, qu’une foi implicite ; trop occupés de leurs affaires temporelles, ils n’ont ni le tems, ni le génie nécessaire pour acquérir les connoissances que suppose