Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/672

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le nom dans son acception originelle, qui est essentiellement indéfinie, il faut l’employer seul ; l’intention est remplie : parler en homme, c’est-à-dire conformément à la nature humaine ; sens indéfini, où il n’est question ni d’aucun individu en particulier, ni de la totalité des individus. Ainsi l’introduction de l’article indéfini seroit au moins une inutilité, si ce n’étoit même une absurdité & une contradiction.

Dans la seconde hypothese, où l’on admettroit diverses especes d’articles, l’idée commune du genre devroit encore se retrouver dans chaque espece, mais avec quelque autre idée accessoire qui seroit le caractere distinctif de l’espece. Tels sont peut-être les mots tout, chaque, nul, quelque, certain, ce, mon, ton, son, un, deux, trois, & tous les autres nombres cardinaux ; car tous ces mots servent à faire prendre dans un sens précis & déterminé, les noms avant lesquels l’usage de notre langue les place ; mais ils le font de diverses manieres, qui pourroient leur faire donner diverses terminaisons. Tout, chaque, nul, articles collectifs, distingués encore entre eux par des nuances délicates ; quelque, certain, articles partitifs ; ce, article démonstratif ; mon, ton, son, articles possessifs ; un, deux, trois, &c. articles numériques, &c. Ici il faut toujours raisonner de même : vous déterminerez le sens d’un nom, par tel article qu’il vous plaira ou qu’exigera le besoin ; ils sont tous destinés à cette fin ; mais dès que vous voudrez que le nom soit pris dans un sens indéfini, abstenez-vous de tout article ; le nom a ce sens par lui-même.

3°. Pronoms indéfinis. Plusieurs Grammairiens admettent une classe de pronoms qu’ils nomment indéfinis ou impropres, comme je l’ai déja dit ailleurs. Voyez Impropre, On verra au mot Pronom, que cette partie d’oraison détermine les objets dont on parle, par l’idée de leur relation de personalité, comme les noms les déterminent par l’idée de leur nature. D’où il suit qu’un pronom, qui en cette qualité seroit indéfini, devroit déterminer un objet par l’idée d’une relation vague de personalité, & qu’il ne seroit en soi d’aucune personne, mais qu’il seroit applicable à toutes les personnes. Y a-t-il des pronoms de cette sorte ? Non : tout pronom est ou de la premiere personne, comme je, me, moi, nous ; ou de la seconde, comme tu, te, toi, vous ; ou de la troisieme, comme se, il, elle, le, la, lui, les, leurs, eux, elles. Voyez Pronom.

4°. Tems indéfinis. Nos Grammairiens distinguent encore dans notre indicatif deux prétérits, qu’ils appellent l’un défini, & l’autre indéfini. Quelques-uns, entre lesquels il faut compter M. de Vaugelas, donnent le nom de défini à celui de ces deux prétendus prétérits, qui est simple, comme j’aimai, je pris, je reçus, je tins ; & ils appellent indéfini celui qui est composé, comme j’ai aimé, j’ai pris, j’ai reçu, j’ai tenu. D’autres au contraire, qui ont pour eux l’auteur de la Grammaire générale & M. du Marsais, appellent indéfini celui qui est simple, & défini celui qui est composé. Cette opposition de nos plus habiles maîtres me semble prouver que l’idée qu’il faut avoir d’un tems indéfini, étoit elle-même assez peu déterminée par rapport à eux. On verra, article Tems, ce qu’il faut penser des deux dont il s’agit ici, & quels sont ceux qu’il faut nommer définis & indéfinis, soit présens, soit prétérits, soit futurs. (B. E. R. M.)

INDÉLÉBILE, adj. (Théologie.) qui ne se peut effacer. Ce mot est formé du latin delere effacer, avec la préposition in, prise dans un sens négatif. Les sacremens de baptême, de confirmation & d’ordre impriment un caractere indélébile. Voyez Caractere. (G)

INDÉLIBÉRÉ, adj. (Gramm.) qui s’est fait sans attention, sans examen, sans délibération, presque machinalement. On dit un jugement indélibéré, un mouvement indélibéré.

INDEMNE, adj. m. & f. (Jurisprud.) est celui qui est acquitté ou dédommagé de quelque chose par une autre personne ; celui dont le garant prend le fait & cause, doit sortir indemne de la contestation. Voyez Indemnité. (A)

INDEMNITÉ, s. f. (Jurisprud.) signifie en général ce qui est donné à quelqu’un pour empêcher qu’il ne souffre quelque dommage.

Quelquefois par ce terme, on entend un écrit par lequel on promet de rendre quelqu’un indemne. Ce terme est sur-tout employé dans ce sens pour exprimer un écrit par lequel on promet d’acquitter quelqu’un de l’événement d’une obligation ou d’une contestation, soit en principal & intérêts, ou pour les frais & dépens.

Indemnité est quelquefois pris pour diminution ; un fermier qui n’a pas joui pleinement de l’effet de son bail, demande au propriétaire une indemnité, c’est-à-dire une diminution sur le prix de son bail.

Indemnité est aussi un terme propre pour exprimer la garantie dûe à la femme par son mari, & sur ses biens, pour les dettes auxquelles elle s’est obligée pour son mari, ou qui sont dettes de communauté, dont elle ne profite pas au cas qu’elle renonce à la communauté. L’hypotheque de la femme pour ces sortes d’indemnités est du jour du contrat de mariage en pays coutumier ; en pays de droit écrit, elle n’a lieu que du jour de l’obligation de la femme, à moins que l’indemnité ne soit stipulée par contrat de mariage.

Indemnité dûe au seigneur est un droit en argent que les gens de main-morte sont tenus de payer au seigneur de qui relevent les héritages qu’ils acquierent, à quelque titre que ce soit, pour le dédommager de ce que ces héritages sont pour ainsi dire hors du commerce, attendu que les gens de mainmorte cherchent rarement à aliéner, & qu’ils ne le peuvent faire que difficilement, à cause des formalités nécessaires pour de telles aliénations, au moyen de quoi, le seigneur est privé des droits qu’il recevroit à chaque mutation, & autres droits casuels qu’il pourroit avoir si les héritages n’étoient pas possédés par des gens de main-morte.

Le seigneur a néanmoins toujours un droit de relief à chaque mutation d’homme vivant & mourant.

Le droit d’amortissement que les gens de mainmorte payent au roi, n’empêche pas qu’ils ne doivent aussi un droit d’indemnité, soit au roi, si l’acquisition est dans sa mouvance, ou au seigneur particulier dans la mouvance duquel est l’héritage ; & s’il y a un autre seigneur qui ait la justice, le droit d’indemnité se partage entre eux, de maniere que celui qui a la justice prend la dixieme partie du droit d’indemnité, pour le dédommager des droits de deshérence, confiscation, & autres droits que donne la justice ; le seigneur de fief prend le surplus du droit.

Quand à la fixation du droit d’indemnité, elle est différente selon les pays & les coutumes.

Au parlement de Paris on regle ce droit au cinquieme du prix de l’héritage ; on observe la même chose dans toutes les coutumes qui n’ont point de disposition contraire.

La coutume de Sens regle ce droit à la valeur des fruits de trois années de l’héritage, ou au sixieme du prix de l’acquisition, au choix & option des gens de main-morte.

En Normandie l’indemnité est du tiers pour les fiefs & du quart pour les rotures.

En Dauphiné on l’évalue à un droit de lods de vingt ans en vingt ans.

Mais ordinairement les gens de main-morte ont soin de prévenir le seigneur du dessein qu’ils ont d’acquérir & de composer avec lui.

Ce payement du droit d’imdemnité ne peut être