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Il semble que l’idée représentative d’un objet entraîne l’idée de limite ; & celle de limite, l’idée de couleur. L’aveugle voit-il les objets dans sa tête ou au bout de ses doigts ?

Invisibles, s. m. pl. (Théolog.) est le nom qu’on donne à quelques rigides confessionistes, & aux sectateurs d’Osiander, de Flactius-Illyricus & de Swerkfeld, qui croyoient qu’il n’y a point d’Eglise visible. Les freres de la Roze-Croix ont été aussi appellés invisibles. Prateole, invisib. Florimont de Raimond, liv. II. chap. xvj. &c. Voyez Confessionistes. (H)

INVITATEUR, s. m. (Gram. Hist. anc.) domestique chez les Romains, dont la fonction étoit d’inviter les conviés aux repas qu’on donnoit. On l’appelloit aussi vocator. L’invitateur étoit communément un affranchi.

INVITATOIRE, s. m. (Liturg.) verset que l’on chante ou récite à matines avant le venite exultemus, & à la fin de ce pseaume ; il change suivant la qualité des jours & des fêtes. Il n’y a point d’invitatoire le jour de l’Epiphanie, ni les trois derniers jours de la semaine sainte.

INVOCATI, (Hist. litt.) nom d’une société littéraire, établie à Sienne en Italie, qui a pris pour devise une enclume, sur laquelle est posé un fer rouge & un marteau, avec l’inscription in quascumque formas.

INVOCATION, s. f. (Théolog.) action par laquelle on adore Dieu, & on l’appelle à son secours. Voyez Priere, Adoration, &c.

Les catholiques romains invoquent les saints, les priant d’interceder pour eux auprès de Dieu. L’invocation des saints est un des plus grands sujets des disputes entre les Catholiques & les Réformés. Voyez Saint.

Invocation, en terme de Poësie, est une priere que le poëte adresse, en commençant son ouvrage, à quelque divinité, sur-tout à sa muse pour en être inspiré. Voyez Muses.

L’invocation est absolument nécessaire dans un poëme épique, à cause que le poëte dit des choses qu’il ne sauroit pas, si quelque divinité ne les lui avoit inspirées. D’ailleurs il doit à ses lecteurs cet exemple d’une piété & d’une vénération, qui est le fondement de toute la morale & des instructions qu’il prétend leur donner dans sa fable ; & puisqu’enfin les divinités doivent être de la partie, il n’est pas raisonnable qu’il ose les faire agir, sans leur en avoir demandé la permission. Voyez Epique.

L’auteur s’adresse souvent aux dieux dans le cours d’un poëme épique ; sur-tout lorsqu’il veut raconter quelque chose de miraculeux, comme lorsque Virgile décrit la métamorphose des navires d’Enée en nymphes ; mais la principale invocation est celle du commencement.

Le pere le Bossu considere deux choses dans l’invocation ; la premiere est ce que le poëte demande ; & la seconde, quelle est la divinité à qui il s’adresse. Quant à la premiere, Homere a si bien joint la proposition avec l’invocation dans l’Iliade, qu’il invoque sa muse pour tout ce qu’il propose sans réserve ; Virgile au contraire ne prie sa muse que de lui fournir une partie de son sujet, & même il détermine précisément celle qu’il desire ; après avoir assez exactement proposé toute sa matiere, il s’adresse à sa muse, & il la prie de lui en apprendre les causes. Voyez Proposition.

Quant à la divinité qu’il invoque, le même auteur observe que ce doit toujours être celle qui préside au sujet qu’il traite, ou celle qui préside à la poësie en général. Ovide, dans ses métamorphoses, fait la premiere sorte d’invocation ; Lucrece en agit de même dans son poëme ; celles d’Homere & de Virgile

sont de la premiere espece ; ils n’invoquent que les muses, & distinguent par là les divinités qui président à la poésie, d’avec celles qui président aux actions des poëmes, & qui en sont les personnages.

Au reste, il ne faut pas s’imaginer que ces divinités invoquées soient considérées par les poëtes mêmes, comme des personnes divines, dont ils attendent un véritable secours. Sous ce nom de muses, ils souhaitent le génie de la poësie, & toutes les conditions & les circonstances nécessaires pour exécuter leur entreprise. Ce sont des allégories & des manieres de s’exprimer poétiquement, comme quand on fait des dieux du sommeil, du calme, de la renommée, de la terreur, & des semblables descriptions des choses naturelles ou morales ; aussi les muses sont-elles de tous les âges, de tous les pays & de toutes les religions ; il y en a de payennes, de chrétiennes, de grecques, de latines, de françoises, &c. Voyez Muses.

INVOLONTAIRE, adj. (Gram.) ce à quoi la volonté n’a point eu de part ; ce qui n’a point été ou n’est pas voulu, consenti. Il paroît à celui qui examinera les actions humaines de près, que toute la différence des volontaires & des involontaires consiste à avoir été, ou n’avoir pas été réfléchies. Je marche, & sous mes piés il se rencontre des insectes que j’écrase involontairement. Je marche, & je vois un serpent endormi ; je lui appuie mon talon sur la tête, & je l’écrase volontairement. Ma réflexion est la seule chose qui distingue ces deux mouvemens, & ma réflexion considérée relativement à tous les instans de ma durée, & à ce que je suis dans le moment où j’agis, est absolument indépendante de moi. J’écrase le serpent de réflexion ; de réflexion Cleopâtre le prend & s’en pique le sein. C’est l’amour de la vie qui m’entraîne ; c’est la haine de la vie qui entraîne Cléopâtre. Ce sont deux poids qui agissent en sens contraires sur les bras de la balance, qui oscillent & se fixent nécessairement. Selon le côté ou le point où ils s’arrêtent, l’homme est bienfaisant ou malfaisant, heureusement ou malheureusement né, exterminable ou digne de récompense selon les lois.

J O

JOACHIMITES, s. m. pl. (Théologie.) disciples de Joachim, abbé de Flore en Calabre, qui passa pour un prophete pendant sa vie, & laissa après sa mort beaucoup de livres de prophétie, & plusieurs autres ouvrages qui furent condamnés avec leur auteur en 1215 par le concile de Latran, & par celui d’Arles en 1260.

Les Joachimites étoient entêtés de certains nombres ternaires. Ils disoient que le Pere avoit opéré depuis le commencement du monde jusqu’à l’avénement du Fils, que l’opération du Fils avoit duré jusqu’à leur tems pendant 1260 ans, qu’après cela le S. Esprit devoit opérer aussi à son tour. Ils divisoient ce qui regardoit les hommes, les tems, la doctrine, la maniere de vivre en trois ordres ou états, selon les trois Personnes de la sainte Trinité : ainsi chacune de ces trois choses comprenoit trois états qui devoient se succéder, ou s’étoient déjà succédé les uns aux autres, ce qui faisoit qu’ils nommoient ces divisions ternaires.

Le premier ternaire étoit celui des hommes, il comprenoit trois états ou ordres d’hommes ; le premier étoit celui des gens mariés, qui avoit duré, disoient-ils, du tems du Pere éternel, c’est-à-dire, sous l’ancien Testament. Le second celui des clercs qui a regné par le Fils du tems de la grace. Le troisieme celui des moines qui devoit regner du tems de la plus grande grace par le Saint-Esprit. Le second ternaire étoit celui de la doctrine, qu’ils divisoient