Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/102

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour qu’elles soient extrémement justes, il ne faut pas que l’une excede l’autre, & la propreté de la composition exige que tous les mots soient espacés également. Voyez Composteur, & Justification.

JUSTIFIEUR, s. m. (Fondeur de caracteres d’Imprimerie.) c’est la principale partie du coupoir, avec lequel on coupe & approprie les caracteres d’Imprimerie. Ce justifieur est composé de deux pieces principales, de vingt-deux pouces de long. Il y a à une de ces pieces à chaque bout un tenon de fer, qui entre dans une ouverture faite à l’autre piece pour le recevoir, & joindre ces deux pieces ensemble, entre lesquelles on met deux à trois cent lettres plus ou moins suivant leur grosseur, arrangées les unes auprès des autres ; après quoi on met le tout dans ce coupoir, où étant serrées fortement avec des vis, on fait agir un rabot de figure relative à cet instrument, avec lequel on coupe les superfluités du corps des lettres. Voyez Coupoir, Rabot, & nos Pl. de Fond. en caract.

JUSTINE, s. f. (Commerce.) monnoie de l’empire, qui vaut environ trente-six sols de France. Elle passe à Constantinople, & aux échelles du Levant pour les deux tiers d’un asselani ; le titre en est moindre d’un quart que celui des piastres sévillanes ; ce qui n’empêche pas le peuple de les recevoir dans le commerce.

JUSTITIUM, s. m. (Hist. anc.) tems de vacation ou de cessation de justice. On l’ordonnoit dans un tems de deuil, & d’autres circonstances importantes.

JUTES, (Géog.) habitans de Jutland, qui n’ont été nommés Jutæ en latin, que par les auteurs du moyen âge. Il partit de Jutland plusieurs colonies qui passerent en Angleterre ; & s’établirent au pays de Kent & de l’île de Wight. La chronique saxonne marque positivement que des Jutes qui furent appellés dans la grande Bretagne par Vertigerne, roi des Bretons, sont sortis les Cantuariens & les Vectuariens, c’est-à-dire les peuples de Cantorbéri & de l’île de Wight. (D. J.)

JUTHIA (Géogr.) ou JUDIA selon Kæmpfer, célebre ville d’Asie, capitale du royaume de Siam. Juthia n’est pas le nom siamois, mais chinois. Les étrangers l’appellent Siam, du nom du royaume, auquel même ils l’ont donné ; car ce n’est pas plus le nom du royaume que celui de la ville. Cependant puisqu’il a prévalu dans l’usage ordinaire, nous renvoyons le lecteur pour le royaume & sa capitale au mot Siam. (D. J.)

JUTLAND le, (Géogr.) c’est la Chersonese cimbrique des Romains. Les Cimbres qui la possédoient, s’étant joints aux Teutons & aux Ambrons, l’abandonnerent pour aller s’établir dans l’empire romain, où après quelques heureux succès, ils furent défaits par Marius. Les Jutes, peuples de la Germanie, s’emparerent de leur pays, d’où lui vint le nom de Jutland. C’est une presqu’isle de Danemark, au nord du Holstein. On le divise en deux parties par une ligne qui va en serpentant depuis Apen jusqu’à Colding : ces deux villes & tout ce qui est au nord de cette ligne, s’appelle le nord-Jutland, ou le Jutland propre ; ce qui est au midi jusqu’à l’Eyder, s’appelle le sud-Jutland, ou le duché de Scleswig. Le nord-Jutland est borné par la mer au couchant, au nord & au levant ; il a le duché de Scleswig au midi, comme on vient de le dire. Il est divisé en quatre diocèses ; celui d’Albourg, celui d’Arkus, celui de Rypen, & celui de Vibourg. Tout le nord-Jutland ou Jutland septentrional, appartient au roi de Danemark ; le sud-Jutland ou le Scleswig, appartient en partie à ce monarque & en partie au duc de Holstein. (D. J.)

JUTURNA, (Géogr. anc. & Mythol.) fontaine & & petit lac d’Italie dans le Latium, dont les Romains vantoient l’excellence & la bonté des eaux. Cette fontaine & le lac étoient au pié du mont Alban ; mais depuis plus d’un siecle l’eau de ce petit lac s’est écoulée par des conduits soûterrains, & l’on a entierement desséché le sol, pour rendre l’air du lieu plus salubre ; c’est ce que nous apprennent quelques inscriptions modernes d’Urbain VIII. placées à Castel Gandolpho.

Les Romains se servoient de l’eau de la fontaine Juturne pour les sacrifices, sur-tout pour ceux de Vesta, où il étoit défendu d’en employer d’autre. On l’appelloit l’eau virginale.

La fable érigea la fontaine Juturne en déesse ; Jupiter, disent les Poëtes, pour prix des faveurs qu’il avoit obtenues de la nymphe Juturne, l’éleva au rang des divinités inférieures, & lui donna l’empire sur les lacs, les étangs & les rivieres d’Italie. Virgile l’assûre dans son Æneid. l. 12, v. 138, & déclare en même tems que cette belle naïade étoit la sœur de Turnus. Lisez, si vous ne me croyez pas, le discours plein de tendresse que lui tient Junon elle même, assise sur le mont Albano.

Ex templo Turni sic est affata sororem,
Diva deam, stagnis quæ fluminibusque sonoris
Præsidet : Hunc illis rex ætheris altus honorem
Jupiter ereptâ pro virginitate sacravit.
Nympha, decus fluviorum, animo gratissima nostro,
Scis, ut te cunctis unam, quæcumque latinæ,
Magnanimi Jovis ingratum adscendêre cubile,
Prætulerim, cœlique libens in parte locarim.
Disce tuum, ne me incuses, Juturna, dolorem


(D. J.)

JUVEIGNEUR, s. m. (Jurispr.) du latin junior, terme usité dans la coutume de Bretagne en matiere féodale pour designer les puînés relativement à leur aîné.

Les juveigneurs ou puînés succédoient anciennement aux fiefs de Bretagne avec l’aîné ; mais comme le partage des fiefs préjudicioit au seigneur dominant, le comte Geoffroi, du consentement de ses barons, fit en 1185 une assise ou ordonnance, portant qu’à l’avenir il ne seroit fait aucun partage des baronnies & des chevaleries ; que l’aîné auroit seul ces seigneuries, & feroit seulement une provision sortable aux puînés, & junioribus majores providerent. Il permit cependant aux aînés, quand il y auroit d’autres terres, d’en donner quelques-unes aux puînés, au lieu d’une provision ; mais avec cette différence, que si l’aîné donnoit une terre à son puîné à la charge de la tenir de lui à la foi & hommage ou comme juveigneur d’aîné, si le puîné décédoit sans enfans & sans avoir disposé de la terre, elle retourneroit, non pas à l’aîné qui l’avoit donnée, mais au chef-seigneur qui avoit la ligence ; au lieu que la terre retournoit à l’aîné, quand il l’avoit donnée simplement sans la charge d’hommage ou de la tenir en juveignerie. Ce qui fut corrigé par Jean I. en ordonnant que dans le premier cas l’aîné succéderoit de même que dans le second.

Le duc Jean II. ordonna que le pere pourroit diviser les baronnies entre ses enfans, mais qu’il ne pourroit donner à ses enfans puînés plus du tiers de sa terre. Suivant cette ordonnance les puînés paroissoient avoir la propriété de leur tiers ; cependant les art. 547 & 563 de l’ancienne coutume, déciderent que ce tiers n’étoit qu’à viage.

La juveignerie ou part des puînés, est en parage ou sans parage.

Voyez la très-ancienne coutume de Bretagne, art. 209 ; l’ancienne, art 547 & 563 ; la nouvelle, art. 330, 331, 334, 542 ; Argentré & Hevin, sur ces