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feu lent dans une lessive convenable, soit en les faisant distiller plusieurs fois avec de l’esprit-de-vin. C’est de ces deux manieres qu’on tire les couleurs de toutes sortes de plantes récentes ; la jaune de la fleur du genêt ; la rouge, du pavot ; la bleue, de l’iris ou de la violette ; la verte, de l’acanthe ; la noire, de la laterne selon Clusius, &c. & cette lacque est d’un grand usage dans la Peinture, sur-tout aux peintres en fleurs, & aux enlumineurs ; nous allons parler de ces deux méthodes ; commençons par celle de la lessive.

Faites avec de la soude & de la chaux une lessive médiocrement forte ; mettez cuire, par exemple, des fleurs de genêts, récentes, à un feu doux, de maniere que cette lessive se charge de toute la couleur des fleurs de genêts ; ce que vous reconnoîtrez, si les fleurs dont on a fait l’extrait sont devenues blanches, & la lessive d’un beau jaune ; vous en retirerez pour lors les fleurs, & vous mettrez la décoction dans des pots de terre vernissés pour la faire bouillir ; vous y joindrez autant d’alun de roche qu’il s’y en pourra dissoudre. Retirez ensuite la décoction, versez-la dans un pot plein d’eau claire, la couleur jaune se précipitera au fond. Vous laisserez alors reposer l’eau, vous la décanterez & y en verserez de nouvelle. Lorsque la couleur se sera déposée, vous décanterez encore cette eau, & vous continuerez de même, jusqu’à ce que tout le sel de la lessive & l’alun ayent été enlevés, parce que plus la couleur sera déchargée de sel & d’alun, plus elle sera belle. Dès que l’eau ne se chargera plus de sel, & qu’elle sortira sans changer de couleur, vous serez assurés que tout le sel & l’alun ont été emportes ; alors vous trouverez au fond du pot de la lacque pure & d’une belle couleur.

Il faut observer entr’autres choses dans ces opérations, que lorsqu’on a fait un peu bouillir les fleurs dans une lessive, qu’on l’a décantée, qu’on en a versé une nouvelle sur ce qui reste ; qu’après une deuxieme cuisson douce, on a réitéré cette opération jusqu’à trois fois, ou plutôt tant qu’il vient de la couleur, & qu’on a précipité chaque extrait avec de l’alun ; chaque extrait ou précipitation donne une lacque ou couleur particuliere, qui est utile pour les différentes nuances, dont sont obligés de se servir les peintres en fleurs.

On ne doit point cependant attendre cet effet de toutes les fleurs, parce qu’il y en a dont les couleurs sont si tendres, qu’on est obligé d’en mettre beaucoup sur une petite quantité de lessive, tandis qu’il y en a d’autres pour qui on prend beaucoup de lessive sur peu de fleurs ; mais ce n’est que la pratique & l’expérience qui peuvent enseigner quel est le tempérament à garder.

Il ne s’agit plus que de sécher la lacque qu’on a tirée des fleurs. On pourroit l’étendre sur des morceaux de linge blanc, qu’on feroit sécher à l’ombre sur des briques nouvellement cuites ; mais il vaut mieux avoir une plaque de gypse, haute de deux ou trois travers de doigts ; dès qu’on voudra sécher la lacque, on fera un peu chauffer le plateau de gypse, & on étendra la lacque dessus ; ce plateau attire promptement l’humidité. Un plateau de gypse peut servir long-tems à cet usage, pourvu qu’on le fasse sécher à chaque fois qu’on l’aura employé ; au lieu de gypse on pourroit encore se servir d’un gros morceau de craye lisse & unie. Il n’est pas indifférent de sécher la lacque vîte ou lentement ; car il s’en trouve, qui en séchant trop vîte, perd l’éclat de sa couleur, & devient vilaine ; il faut donc en ceci beaucoup de patience & de précaution.

Passons à la méthode de tirer la lacque artificielle par l’esprit-de-vin ; voici cette méthode selon Kunchel.

Je prends, dit-il, un esprit-de-vin bien rectifié & déflelgmé, je le verse sur une plante ou fleur, dont je veux extraire la teinture ; si la plante est trop grosse ou seche, je la coupe en plusieurs morceaux ; s’il s’agit de fleurs, je ne les coupe ni ne les écrase.

Aussi-tôt que mon esprit-de-vin s’est coloré, je le décante, & j’en verse de nouveau. Si la couleur qu’il me donne cette seconde fois est semblable à la premiere, je les mets ensemble ; si elle est différente, je les laisse à part, j’en ôte l’esprit-de-vin par la voye de la distillation, & je n’en laisse qu’un peu dans l’alambic pour pouvoir en retirer la couleur ; je la mets dans un vase ou matras, pour la faire évaporer lentement, jusqu’à ce que la couleur ait une consistance convenable, ou jusqu’à ce qu’elle soit entierement seche ; mais il faut que le feu soit bien doux, parce que ces sortes de couleurs sont fort tendres.

Il y a des couleurs de fleurs qui changent & donnent une teinture toute différente de la couleur qu’elles ont naturellement, c’est ce qui arrive sur-tout au bleu ; il faut une grande attention & un soin particulier pour tirer cette couleur : il n’y a même que l’usage & l’habitude qui apprennent la maniere d’y réussir.

Finissons par deux courtes observations ; la premiere que les plantes ou fleurs donnent souvent dans l’esprit-de-vin une couleur différente de celles qu’elles donnent à la lessive. La seconde, que l’extraction ne doit se faire que dans un endroit frais ; car pour peu qu’il y eût de chaleur, la couleur se gâteroit, c’est par la même raison qu’il est très-aisé en distillant, de se tromper au degré de chaleur, & que cette méprise rend tout l’ouvrage laid & disgracieux ; un peu trop de chaleur noircit les couleurs des végétaux ; le lapis lui-même perd sa couleur à un feu trop violent. (D. J.)

LACHRIMA CHRISTI, (Hist. nat.) c’est le nom que l’on donne en Italie à un vin muscat très agréable, qui croît au royaume de Naples, au milieu des cendres & des débris du mont Vésuve. On dit qu’un polonois ayant trouvé ce vin fort à son gré, s’écria  : ô Domine ! cur non etiam in terris nostris lacrymatus es ? Seigneur, pourquoi n’avez-vous point pleuré dans nos pays ?

LACHRIME D’ANGLETERRE, erithmum (Jardin) Voyez Passepierre.

LACROME, (Géog.) écueil au voisinage du port de Raguse ; & sur cet écueil qui a près d’une lieue de tour, est une abbaye de bénédictins. M. de Lisle nomme cet écueil Chirona dans sa carte de la Grece. (D. J.)

LACTAIRE, Colomne, (Littér.) Lactaria, on sousentend columna ; colomne élevée dans le marché aux herbes à Rome, où l’on apportoit les enfans trouvés pour leur avoir des nourrices. Nous apprenons de Juvénal, Satyr. VI. v. 610. que les femmes de qualité y venoient souvent prendre des enfans abandonnés pour les élever chez elles ; ensuite les autres enfans dont personne ne se chargeoit étoient nourris aux dépens du public. (D. J.)

LACTÉES, Veines lactées, ou Vaisseaux lactés, en Anatomie, sont de petits vaisseaux longs, qui des intestins portent le chyle dans le réservoir commun. Voyez Chyle.

Hippocrate, Erasistrate & Galien, passent pour les avoir connues ; mais Asellius fut le premier qui publia en 1622 une description exacte de celles qu’il avoit vûes dans les animaux, & qui les nomma veines lactées, parce que la liqueur qu’elles contiennent ressemble à du lait. Voyez Dougl. bibl. anat. pag. 236. édit. 1734. Tulpius est le premier qui les ait vûes dans l’homme en 1537. Highmor & Folius en 1739. Veslingius les a souvent vûes dans l’homme,