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opposées. Cependant il est certain par la théorie de la balance (voyez Balance), que cette troisieme puissance est toujours égale à la somme des deux autres ; mais la démonstration qu’on en donne, quoique vraie & juste est indirecte.

Il ne sera peut-être pas inutile d’expliquer ici un paradoxe de méchanique, par lequel on embarrasse ordinairement les commençans, au sujet de la propriété du levier. Voici en quoi consiste ce paradoxe : on attache à une regle AB, fig. 3. n°. 2. Méchan. deux autres regles FC, ED, par le moyen de deux clous B & A, & les regles FC, ED, sont mobiles autour de ces clous ; on attache de même aux extrémités de ces dernieres regles deux autres regles FE, CD, aussi mobiles autour des points CD ; en sorte que le rectangle FCDE, puisse prendre telle figure & telle situation qu’on voudra, comme fcde, les points A & B, demeurant toûjours fixes. Au milieu de la regle FE, & de la regle CD, on plante vis-à-vis l’un de l’autre deux bâtons HGO, INP, perpendiculaires & fixément attachés à la regle. Cela posé, en quelque endroit des bâtons qu’on attache les poids égaux HI, ils sont toûjours en équilibre, même lorsqu’ils ne sont pas également éloignés du point d’appui A ou B. Que devient donc, dit-on, cette regle générale, que des puissances égales appliquées à un levier, doivent être également distantes du point d’appui ?

On rendra aisément raison de ce paradoxe, si on fait attention à la maniere dont les poids HI agissent l’un sur l’autre. Pour le voir bien nettement, on décomposera les efforts des poids HI, (fig. 3. n. 3.) chacun en deux, dont l’un pour le poids H, soit dans la direction fH, & l’autre dans la direction He ; & dont l’un pour le poids I, soit dans la direction CI, & l’autre dans la direction ID. Or l’effort CI se décompose en deux efforts Cn & CQ ; & de même l’effort ID se décompose en deux efforts Dn & DO. Donc la verge CD est tirée suivant CD par une force = Cn + nD ; & l’on trouvera de même que la verge fe est tirée suivant fe par une force = fe. Donc puisque BC = Bf, & CD = & parallele à fe, les deux efforts suivans CD & fe se font équilibre. Maintenant on décomposera de même l’effort suivant CQ en deux, l’un dans la direction de BC, lequel effort sera détruit par le point fixe & immobile B, l’autre suivant CD ; & on décomposera ensuite l’effort qui agit au point D, suivant CD en deux autres, l’un dans la direction DA, qui sera détruit par le point fixe A, & l’autre dans la direction DC ; & on trouvera facilement que cet effort est égal & contraire à l’effort qui résulte de l’effort CQ suivant CD. Ainsi ces deux efforts se détruiront : on en dira de même du point H ; ainsi il y aura équilibre.

Nous croyons devoir avertir que l’invention de ce paradoxe méchanique est dû à M. de Roberval, membre de l’ancienne académie des Sciences, & connu par plusieurs ouvrages mathématiques, dont la plupart ont été imprimés après sa mort. Le docteur Desaguiliers, membre de la société royale, mort depuis peu d’années, a parlé assez au long de ce même paradoxe dans ses leçons de Physique expérimentale, imprimées en anglois & in-4o. mais il n’a point cité M. de Roberval, que peut-être il ne connoissoit pas pour en être l’auteur.

Au reste il est indifférent (& cela suit évidemment de la démonstration précédente), que les points NG, (fig. 3. n. 2.) soient placés ou non au milieu des regles CD, FE. On peut placer les regles PI, HO, par-tout ailleurs en CD, FE, & la démonstration aura toujours lieu. Je dois avertir que l’équilibre dans la balance de Roberval (car c’est ainsi qu’on appelle cette machine), est assez mal démontré dans la plu-

part des ouvrages qui en ont parlé ; & je ne sais

même s’il se trouve dans aucun ouvrage une démonstration aussi rigoureuse que celle que nous venons d’en donner.

J’ai dit plus haut que tout se réduisoit à démontrer que dans la balance à bras égaux, la charge est égale à la somme des deux poids. En effet, cette proposition une fois démontrée, on n’a qu’à substituer un appui fixe à l’un des deux poids, & au centre de la balance une puissance égale à leur somme, & on aura un levier, où l’une des puissances sera 1 & l’autre 2, & dans lequel les distances au point d’appui, seront comme 1 & 2. Voilà donc l’équilibre démontré dans le cas où les puissances sont dans la raison de 2 à 1 ; & on pourra de même le démontrer dans le cas où elles seront dans tout autre rapport : nous en disons assez pour mettre sur la voie de la démonstration les lecteurs intelligens. Ainsi toutes les lois de l’équilibre se déduiront toujours de la loi de l’équilibre dans le cas le plus simple. V. Équilibre. (O)

Levier, dans l’art de bâtir, est une piece de bois de brin qui, par le secours d’un coin nommé orgueil, qui est posé dessous le bout qui touche à terre, aide à lever avec peu d’hommes une grosse pierre. Lorsqu’on pese sur le levier, on dit faire une pesée ; & lorsqu’on l’abat avec des cordages à cause de sa trop grande longueur & de la grandeur du fardeau, on dit faire un abatage ; ce qui s’est pratiqué avec beaucoup d’art & d’intelligence, pour enlever & poser les deux cimaises du grand fronton du Louvre. Voyez les notes de M. Pérault sur Vitruve, l. X. c. xviij.

Levier, (Charpente.) est un gros bâton qui sert aux Charpentiers à remuer les pieces de bois, & à faire tourner le treuil des engins, &c. Sa longueur n’est point déterminée ; ceux des Charpentiers sont ordinairement de quatre à cinq piés. Voyez nos Pl. de Charpente & leur explic.

Levier, outil d’Horlogerie, qui sert à égaler la fusée au ressort. Voyez nos Pl. d’Horlogerie.

Il est composé d’une verge ou branche AB, un peu longue, d’une espece de pince E, dans laquelle il y a un trou quarré, qui sert à le faire tenir sur le quarré de la fusée, & d’un poids P, porté sur une autre petite verge V, qui a une piece percée quarrément, pour pouvoir s’ajuster & glisser sur la verge AB, qui doit être quarrée au-moins vers le bout. Les deux vis VS, serrent la pince de la maniere suivante. La vis marquée S, n’entre point dans la partie A de la mâchoire Aaa ; son bout pose seulement dessus, & elle est vissée dans la partie ES ; de façon que lorsqu’on la tourne elle fait bercer cette mâchoire, & fait approcher le bout E de G. L’autre vis V passe au-travers la mâchoire EF, & se visse dans l’autre AG. Au moyen de cet ajustement on serre d’abord le quarré, que l’on met dans la pince, par la vis V ; ensuite on tourne l’autre S, afin que les extrémités E & G des deux mâchoires, pincent bien le quarré. Quand il n’y a que la seule vis V, la pince est sujette à bailler par le bout ; ce qui fait que le levier saute de dessus le quarré de la fusée, d’où il arrive souvent que l’on casse le ressort & la chaîne.

Pour s’en servir, on met le barillet avec le ressort & la fusée dans la cage, & on ajuste la chaîne dessus, comme si l’on vouloit faire aller la montre ; notez qu’on n’y met aucune des autres pieces du mouvement. Ensuite on ajuste la pince E du levier sur le quarré de la fusée, & on l’y fait bien tenir au moyen des deux petites vis VS ; de sorte qu’alors le levier est fixement adapté à ce quarré. Tout étant ainsi préparé, on se sert du levier comme d’une clef ; & faisant comme si l’on vouloit remonter la montre, on le tourne jusqu’à ce que la chaîne soit parvenue au haut de la fusée. Ce qui, comme nous l’a-