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de derriere, & cinq dans ceux de devant. Le mâle a deux scrotum, un de chaque côté, mais ils ne paroissent que lorsqu’il est avancé en âge ; les autres parties extérieures de la génération sont aussi très peu apparentes. Au contraire le gland du clitoris de la femelle est presque aussi gros que celui de la verge du mâle ; l’orifice de son prépuce n’est guere plus éloigné de l’anus que la vulve ; ce n’est pourtant qu’à cette différence de longueur du periné, que l’on peut reconnoître le sexe de ces animaux à la premiere inspection : on s’y trompe souvent ; on a même cru que les lievres étoient hermaphrodites.

Le lievre a le poil fort touffu ; le dos, les lombes, le haut de la croupe & des côtés du corps, ont une couleur roussâtre avec des teintes blanchâtres & noirâtres ; le sommet de la tête est mêlé de fauve & de noir ; les yeux sont environnés d’une bande de couleur blanchâtre ou blanche, qui s’étend en-avant jusqu’à la moustache, & en-arriere jusqu’à l’oreille. Tout le reste du corps a différentes teintes de fauve & de roussâtre, de blanc, de noirâtre, &c. La plûpart des levrauts ont au sommet de la tête une petite marque blanche que l’on appelle l’étoile ; pour l’ordinaire elle disparoît à la premiere mue ; quelquefois elle reste même dans l’âge le plus avancé.

Les lievres multiplient beaucoup ; ils peuvent engendrer en tous tems, & dès la premiere année de leur vie ; les femelles ne portent que pendant trente ou trente-un jours ; elles produisent trois ou quatre petits. Ces animaux dorment ou se reposent au gîte pendant le jour ; ils ne se promenent, ne mangent, & ne s’accouplent que pendant la nuit ; ils se nourrissent de racines, de feuilles, de fruits, d’herbes laiteuses, d’écorces d’arbres, excepté celles de l’aune & du tilleul. Les lievres dorment les yeux ouverts ; ils ne vivent que sept ou huit ans au plus ; on n’entend leur voix que lorsqu’on les saisit ou qu’on les fait souffrir ; c’est une voix forte & non pas un cri aigre ; ils sont solitaires & fort timides ; ils ne manquent pas d’instinct pour leur conservation, ni de sagacité pour échapper à leurs ennemis. Ils se forment un gîte exposé au nord en été, & au midi en hiver ; on les apprivoise aisément, mais ils s’échappent, lorsqu’il s’en trouve l’occasion.

Les lievres qui sont dans les pays de collines élevées, ou dans les plaines en montagnes, sont excellens au goût ; ceux qui habitent les plaines basses ou les vallées, ont la chair insipide & blanchâtre ; enfin, ceux qui sont vers les marais & les lieux fangeux, ont la chair de fort mauvais goût : on les appelle lievres ladres. Les lievres de montagne sont plus grands & plus gros que les lievres de plaine ; ils ont plus de brun sur le corps & plus de blanc sous le cou. Sur les hautes montagnes & dans les pays du nord, ils deviennent blancs pendant l’hiver, & reprennent en été leur couleur ordinaire ; il y en a qui sont toûjours blancs ; on trouve des lievres presque par-tout. On a remarqué qu’il y en a moins en Orient qu’en Europe, & peu ou point dans l’Amérique méridionale. Hist. nat. gen. & part. tom. VI.

Le lievre, Chasse du lievre, est un animal qui vit solitairement ; il n’a pas besoin d’industrie pour se procurer sa nourriture. Excepté l’ouie qu’il a très-fine, tous ses sens sont obtus. Enfin, il n’a que la fuite pour moyen de défense. Aussi sa vie est-elle uniforme, ses mœurs sont-elles simples. La crainte forme son caractere ; son repos même est accompagné de surveillance. Il dort presque tout le jour ; mais il dort les yeux ouverts. Le moindre bruit l’effraye, & son inquiétude lui sert ordinairement de sauvegarde.

Les lievres ne quittent guère le gîte pendant le jour, à moins qu’on ne les en chasse. Le soir ils se rassemblent sur les blés, ou bien dans les autres

lieux où ils trouvent commodément à paître. Pendant la nuit ils mangent, ils jouent, ils s’accouplent. La répétition de ces actes si simples fait presque toute l’histoire naturelle de la vie d’un lievre. Cependant lorsque ces animaux sont chassés, on les voit déployer une industrie & des ruses, dont l’uniformité de leur vie ne les laisseroit pas soupçonner. Voyez Instinct.

Les lievres sont fort lascifs, & multiplient beaucoup ; mais moins que les lapins, parce qu’ils engendrent un peu plus tard, & que les portées sont moins nombreuses. On peut les regarder comme animaux sédentaires. Ils passent tout l’été dans les grains : pendant la récolte, l’importunité que leur causent les moissonneurs, leur fait chercher les guerets ou les bois voisins : mais ils ne s’écartent jamais beaucoup du lieu où ils sont nés, & ils ne sont point sujets aux émigrations si familieres à d’autres especes.

Le tempérament des lievres est assez délicat, surtout dans les pays où on les conserve en abondance. Ils souffrent promptement du défaut de nourriture pendant la neige. Le givre qui couvre l’herbe les rend sujets à des maladies qui les tuent. Ils sont aussi fort exposés, sur-tout pendant leur jeunesse, aux oiseaux de proie & aux bêtes carnassieres. Mais malgré ces dangers, leur multiplication devient bien-tôt excessive par-tout où ils sont épargnés par les hommes.

Lievre, (Diete, & Mat. méd.). Le jeune lievre ou le levreau fournit un aliment délicat, succulent, relevé par un fumet qui est peut-être un principe utile & bienfaisant. Il a été dès long-tems compté parmi les mets les plus exquis ; les personnes accoutumées à une nourriture legere digerent très-bien cette viande, mangée rôtie & sans assaisonnement. Les estomacs accoutumés aux nourritures grossieres & irritantes s’en accommodent mieux, en la mangeant avec les assaisonnemens les plus vifs, comme le fort vinaigre & le poivre, soit rôtie, soit bouillie ou cuite dans une sauce très piquante, c’est-à-dire, sous la forme de ce ragout vulgairement appellé civet ; Voyez Civet.

On mange le levreau rôti dans quelques provinces du royaume, en Gascogne & en Languedoc ; par exemple, avec une sauce composée de vinaigre & de sucre, qui est mauvaise, mal-saine en soi essentiellement ; mais qui est sur-tout abominable pour tous ceux qui n’y sont pas accoutumés.

L’âge où le levreau est le plus parfait, est celui de sept à huit mois. Lorsqu’il est plus jeune, qu’il n’a par exemple, que trois ou quatre mois, sa chair n’est point faite, & est de difficile digestion, comme celle de beaucoup de jeunes animaux, par sa fadeur, son peu de consistance ; son état pour ainsi dire glaireux. Voyez Viande. A un an il est encore très-bon.

Le vieux lievre est en général, dur, sec, & par-là de difficile digestion. Mais il convient mieux par cela même aux manœuvres & aux paysans. Aussi les paysans dans les pays heureux où ils participent assez à la condition commune des hommes, pour être en état de servir quelquefois sur leurs tables des alimens salutaires & de bon goût ; préferent-ils par instinct un bon vieux lievre, un peu ferme & même dur, à un levreau tendre & fondant, & à toutes les viandes de cette derniere espece. Voyez Régime.

Les femelles pleines sont communément assez tendres ; & dans les pays, comme dans le bas-Languedoc, où le lievre est d’ailleurs excellent, on les sert rôties sur les bonnes tables. Les vieilles hases & les bouquins ne se mangent en général, qu’en ragoût ou en pâte.

Le lievre varie considérablement en bonté, selon le pays qu’il habite. Le plus excellent est celui des