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Une partie qui n’est pas assignée devant son juge naturel, ou autre juge compétent, peut décliner la jurisdiction. Voyez Compétence & Déclinatoire.

Les particuliers ne peuvent pas non plus déroger à l’ordre naturel des jurisdictions ni l’intervertir, quelque soumission qui ait été faite à une jurisdiction à l’exclusion d’une autre, quand même cette soumission seroit une des clauses du contrat ; il n’est pas permis aux parties, même d’un commun accord, de porter une affaire à un autre juge que celui auquel la connoissance en appartient naturellement ; autrement le ministere public peut revendiquer l’affaire pour le juge qui en doit être saisi.

Il n’est pas non plus permis en matiere civile d’intervertir l’ordre des jurisdictions pour porter l’appel d’une sentence à un autre juge que celui qui est le supérieur immédiat du juge dont est appel, si ce n’est dans les appels comme de deni de renvoi, ou comme de juge incompétent, dans lesquels l’appel est porté rectà au parlement.

En matiere criminelle, l’appel va aussi toujours au parlement, omisso medio.

Dans la jurisdiction ecclésiastique, il n’y a que quatre degrés.

L’official de l’évêque est le premier degré ; on appelle de-là à l’official du métropolitain, qui est le second degré ; de celui-ci, au primat qui fait le troisieme degré, & du primat au pape qui est le quatrieme.

Quand l’évêque ou l’archevêque est soumis immédiatement au saint-siege, il n’y a que deux ou trois degrés de jurisdiction.

Il peut arriver, dans la jurisdiction ecclésiastique, que l’on soit obligé d’essuyer cinq ou six degrés de jurisdiction, parce que le pape étant tenu de déléguer des commissaires sur les lieux, on peut encore appeller de ces commissaires au pape. lequel commet de nouveaux commissaires jusqu’à ce qu’il y ait trois sentences conformes, ainsi que cela a été limité par le concordat.

On ne doit pas confondre le détroit, district ou territoire d’une jurisdiction inférieure avec son ressort ; le détroit ou territoire d’une jurisdiction inférieure est le territoire qui est soumis immédiatement à cette jurisdiction, au lieu que le ressort de cette même jurisdiction est le territoire de celles qui y viennent par appel.

Ainsi la jurisdiction des premiers juges, qui n’ont point d’autres juges au-dessous d’eux, n’a point de ressort, mais seulement son détroit ou territoire ; cependant on confond quelquefois ces termes dans l’usage, sur tout en parlant des cours souveraines ; dont le territoire & le ressort sont la même étendue. (A)

Jurisdiction des Abbés est le pouvoir que les abbés réguliers ont d’ordonner le service divin, & de donner la bénédiction dans leurs églises. Ils ont droit de correction sur leurs religieux en ce qui regarde la discipline intérieure & les fautes par eux commises dans le cloître ; car la punition & correction de celles qu’ils commettent au dehors appartient à l’évêque pour le délit commun, & au juge royal pour les cas privilégiés. Quelques abbés ont aussi le pouvoir de donner à leurs religieux la tonsure & les ordres mineurs. Les abbés commendataires exercent la jurisdiction spirituelle de même que les réguliers, mais ils n’ont pas la jurisdiction correctionnelle sur les religieux ; car ce n’est pas à eux à faire observer une regle qu’ils ne professent pas : le droit de correction en ce cas est dévolu au prieur claustral. Voyez le traité des matieres bénéf. de Fuet, liv. II. chap. j. des abbés. (A)

Jurisdiction basse ou plûtôt basse Juris-

diction, comme elle est appellée dans la coutume

de Poitou, art. 21. qui la qualifie aussi de jurisdiction fonciere, est une espece particuliere de basse justice qui ne donne pas connoissance de toutes les matieres réelles & personnelles qui sont de la compétence du bas-justicier, mais seulement la connoissance du fonds qui releve du fief ou de l’étroit fonds, comme dit l’art. 18. de la coutume de Poitou, c’est-à-dire des causes réelles qui regardent le fonds du fief & les droits qui peuvent en venir au seigneur, comme le payement des lods & ventes, la notification & exhibition des contrats & autres causes concernant son fief. Voyez Boucheul sur l’art. 18. de la coutume de Poitou, & ci-après au mot Justice fonciere. (A)

Jurisdiction du premier Chirurgien du Roi est une espece de jurisdiction économique que le premier chirurgien du roi, en sa qualité de chef de la Chirurgie & garde des chartes, statuts & priviléges de cet art, exerce sur tous les chirurgiens, sage-femmes, & autres exerçans quelque partie que ce soit de la Chirurgie ou de la Barberie.

Elle consiste dans le droit d’inspection & visitation sur toutes les personnes soumises à sa jurisdiction, de faire assembler les communautés de Chirurgiens & de Perruquiers pour leurs affaires & autres nécessaires à la réception des aspirans, de présider dans ces assemblées, d’y porter le premier la parole, de recueillir les voix, de prononcer les délibérations, recevoir les sermens, entendre & arrêter définitivement les comptes, & enfin de faire observer la discipline, le bon ordre & les statuts & réglemens donnés sur le fait de la Chirurgie & Barberie, & de prendre toute connoissance de ce qui concerne ces professions.

Comme on a omis de parler de cette jurisdiction à l’article Chirurgien, nous croyons devoir suppléer ici ce qui a rapport à cet objet.

Le premier chirurgien du roi n’a commencé à jouir de cette jurisdiction qu’en 1668, en conséquence de la réunion qui fut faite pour lors de la charge de premier valet-de-chambre barbier du roi à celle de premier chirurgien, en la personne du sieur Felix qui remplissoit cette derniere place.

Long-tems avant cette époque, le premier barbier du roi étoit en possession de cette même jurisdiction à Paris & dans les villes des provinces, mais sur les Barbiers Chirurgiens seulement, qui faisoient alors un corps séparé des maîtres en l’art & science de Chirurgie. Voyez Chirurgien.

Il paroît que l’original des droits du premier barbier à cet égard remonte à l’ancienne coutume des Francs, suivant laquelle chacun avoit droit d’être jugé ou réglé par ses pairs, c’est à-dire, par des personnes du même état.

On voit par les statuts que Charles V. donna aux Chirurgiens-Barbiers de Paris, au mois de Décembre 1371, que de tems immémorial ils étoient gardés & gouvernés par le maître barbier & valet de chambre du roi qu’il confirme dans ce droit, ainsi que dans celui de se choisir un lieutenant.

Henri III. par des lettres du mois de Mai 1575, ordonna également que le premier barbier valet-de-chambre du soi seroit maître & garde de l’état de maître barbier-chirurgien dans tout le royaume.

A l’égard des Chirurgiens non-Barbiers, ils n’étoient point soumis à cette inspection ; ils étoient réglés par des statuts particuliers. On voit que dès le tems de Philippe le Bel, il fut ordonné par un édit du mois de Novembre 1311, que dans la ville & vicomté de Paris aucun chirurgien ni sage-femme (chirurgica) ne pourroit exercer l’art de Chirurgie qu’il n’eût été examiné & approuvé par les maîtres chirurgiens demeurant à Paris, assemblés par