Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/772

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« S’il étoit facile, ajoute le même auteur, de former dans le cerveau les traces qui persuadent aux hommes qu’ils sont devenus loups, & si l’on pouvoit courir les rues, & faire tous les ravages que font ces misérables loups-garoux, sans avoir le cerveau entierement bouleversé, comme il est facile d’aller au sabbat dans son lit & sans se réveiller, ces belles histoires de transformations d’hommes en loups, ne manqueroient pas de produire leur effet comme celles qu’on fait du sabbat, & nous aurions autant de loups-garoux, que nous avons de sorciers. Voyez Sabbat.

« Mais la persuasion qu’on est transformé en loup, suppose un bouleversement de cerveau bien plus difficile à produire que celui d’un homme qui croit seulement aller au sabbat… Car afin qu’un homme s’imagine qu’il est loup, bœuf, &c. il faut tant de choses, que cela ne peut être ordinaire ; quoique ces renversemens d’esprit arrivent quelquefois, ou par une punition divine, comme l’Ecriture le rapporte de Nabuchodonosor, ou par un transport naturel de mélancholie au cerveau, comme on en trouve des exemples dans les auteurs de Medecine ». Recherches de la vérité, tome premier, livre X I. chapitre vj.

LYCANTHROPIE, s. f. (Medecine.) λυκανθρωπία, nom entierement grec formé de λύκος, loup, & ἄνθρωπος, homme : suivant son étymologie, il signifie un loup qui est homme. Il est employé en Medecine, pour designer cette espece de mélancholie dans laquelle les hommes se croyent transformés en loups ; & en conséquence, ils en imitent toutes les actions ; ils sortent à leur exemple de leurs maisons la nuit ; ils vont roder autour des tombeaux ; ils s’y enferment, se mêlent & se battent avec les bêtes féroces, & risquent souvent leur vie, leur santé dans ces sortes de combats. Actuarius remarque qu’après qu’ils ont passé la nuit dans cet état, ils retournent au point du jour chez eux, & reprennent leur bon sens ; ce qui n’est pas constant : mais alors même ils sont rêveurs, tristes, misantropes ; ils ont le visage pâle, les yeux enfoncés, la vûe égarée, la langue & la bouche seches, une soif immodérée, quelquefois aussi les jambes meurtries, déchirées, fruits de leurs débats nocturnes. Cette maladie, si l’on en croit quelques voyageurs, est assez commune dans la Livonie & l’Irlande. Donatus Ab alto mari dit en avoir vû lui-même deux exemples ; & Forestus raconte qu’un lycanthrope qu’il a observé, étoit sur-tout dans le printems toûjours à rouler dans les cimetieres, lib. X. observ. 25. Le démoniaque dont il est parlé dans l’Ecriture-sainte (S. Marc, chap. v.), qui se plaisoit à habiter les tombeaux, qui couroit tout nud, poussoit sans cesse des cris effrayans, &c. & le Lycaon, célebre dans la fable, ne paroissent être que des mélancholiques de cette espece, c’est-à-dire des lycantropes. Nous passons sous silence les causes, la curation, &c. de cette maladie, parce qu’elles sont absolument les mêmes que dans la mélancholie, dont nous traiterons plus bas. Voyez Mélancholie. Nous remarquerons seulement quant à la curation, qu’il faut sur-tout donner à ces malades des alimens de bon suc analyptiques, pendant l’accès les saigner abondamment. Oribaze recommande comme un spécifique, lorsque l’accès est sur le point de se décider, de leur arroser la tête avec de l’eau bien froide ou des décoctions somniferes ; & lorsqu’ils sont endormis, de leur frotter les oreilles & les narines avec l’opium (synops, lib. IX. c. x.) Il faut aussi avoir attention de les enchaîner pour les empêcher de sortir la nuit, & d’aller risquer leur vie parmi les animaux les plus féroces, si l’on n’a pas d’autre moyen de les contenir.

LYCAONIE, Lycaonia, (Géog. anc.) province

de l’Asie mineure, entre la Pamphilie, la Cappadoce, la Pisidie, & la Phrygie, selon Cellarius. La Lycaonie voisine du Taurus, quoiqu’en partie située sur cette montagne, fut réputée par les Romains appartenir à l’Asie au-dedans du Taurus ; Asiæ intra Taurum. Strabon prétend que l’Isaurique faisoit une partie de la Lycaonie : la notice de l’empereur Léon le Sage, & celle d’Hiéroclès, ne s’accordent pas ensemble sur le nombre des villes épiscopales de cette province, qui eut cependant l’avantage d’avoir S. Paul & S. Barnabé pour apôtres, comme on le lit dans les actes, ch. xiv. v. 16.

Nous ignorons quel a été dans les premiers tems l’état & le gouvernement de la Lycaonie ; nous savons seulement que le grand roi, c’est-à-dire le roi de Perse, en étoit le souverain, lorsqu’Alexandre porta ses armes en Asie, & en fit la conquête. Sous les successeurs d’Alexandre, ce pays souffrit diverses révolutions, jusqu’à ce que les Romains s’en rendirent maîtres. Dans la division de l’empire, la Lycaonie fit partie de l’empire d’orient, & se trouva sous la domination des empereurs grecs.

Depuis ce tems-là, ce pays fut possédé par divers souverains grands & petits, & usurpé par plusieurs princes ou tyrans, qui le ravagerent tour-à-tour. Sa situation l’exposa aux incursions des Arabes, Sarrasins, Persans, Tartares, qui l’ont désolé, jusqu’à ce qu’il soit tombé entre les mains des Turcs, qui le possedent depuis plus de trois cens ans.

La Lycaonie, qu’on nomme à présent grande Caramanie, ou pays de Cogny, est située à-peu-près entre le 38 & le 40 degré de latitude septentrionale, & entre le 50 & le 52 degré de longitude. Les villes principales de la Lycaonie, sont Iconium, aujourd’hui Cogni, Thébase, située dans le mont Taurus, Hyde située sur les confins de la Galatie & de Cappadoce, &c.

Quant à la langue lycaonienne, dont il est parlé dans les actes des Apôtres, XIV. 10. en ces mots : ils eleverent la voix parlant lycaonien, nous n’en avons aucune connoissance. Le sentiment le plus raisonnable, & le mieux appuyé sur cette langue, est celui de Grotius, qui croit que la langue des Lycaoniens étoit la même que celle des Cappadociens, ou du moins en étoit une sorte de dialecte.

LYCAONIENS, Lycaones, (Géog. anc.) outre les habitans de la province de Lycaonie, il y avoit des peuples lycaoniens, différens des asiatiques, & qui vinrent d’Arcadie s’établir en Italie, selon Denys d’Halicarnasse, l. I. c. iv. Il ajoute que cette transmigration d’arcadiens arriva sous Œnotrus leur chef, fils de Lycaon II. & qu’alors ils prirent en Italie le nom d’Œnotriens. (D. J.)

LYCÉE, λύκειον, (Hist. anc.) c’étoit le nom d’une école célebre à Athènes, où Aristote & ses sectateurs expliquoient la Philosophie. On y voit des portiques & des allées d’arbres plantés en quinconce, où les Philosophes agitoient des questions en se promenant ; c’est de-là qu’on a donné le nom de Péripatéticienne ou de Philosophie du Lycée à la philosophie d’Aristote. Suidas observe que le nom de Lycée venoit originairement d’un temple bâti dans ce lieu, & consacré à Apollon Lycéon ; d’autres disent que les portiques qui faisoient partie du Lycée, avoient été élevés par un certain Lycus fils d’Apollon ; mais l’opinion la plus généralement reçue, est que cet édifice commencé par Pisistrate, fut achevé par Périclés.

Lycées, fêtes d’Arcadie, qui étoient à-peu-près la même chose que les lupercales de Rome. On y donnoit des combats, dont le prix étoit une armure d’airain ; on ajoute que dans les sacrifices on immoloit une victime humaine, & que Lycaon étoit l’instituteur de ces fêtes. On en célébroit encore d’au-