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doient la justice dans les petites villes, bourgs & villages. Quelques-uns croient que c’est de-là qu’est venue la distinction des trois degrés de haute, moyenne & basse justice.

Les centeniers auxquels étoient subordonnés les cinquanteniers & dixainiers, relevoient des comtes des villes capitales. Ces comtes relevoient eux-mêmes des comtes ou ducs des provinces ou villes métropolitaines ; ceux-ci des patrices qui présidoient dans les villes primatiales, & les patrices relevoient du roi, lequel jugeoit souverainement & en dernier ressort les grandes affaires, soit dans son conseil particulier avec le comte ou maire du palais, qui prit la place du préfet du prétoire des Gaules, ou en public à la fête de son parlement, lorsqu’il étoit assemblé.

Les comtes avoient des vicaires ou vicomtes qui étoient comme leurs lieutenans.

Pour contenir tous ces officiers dans leur devoir, le roi envoyoit dans les provinces des commissaires appellés missi dominici, pour recevoir les plaintes que l’on avoit à faire contre les juges ordinaires des lieux.

Outre les juges royaux, il y avoit dès-lors deux autres sortes de justices en France ; savoir les justices ecclésiastiques & les justices seigneuriales ; la jurisdiction ecclésiastique étoit exercée par les évêques & les abbés, qui connoissoient chacun dans leur territoire des matieres spirituelles, des affaires ecclésiastiques & de celles qui étoient alors réputées telles. Voyez ci-devant Jurisdiction ecclésiastique.

Les vassaux & arriere-vassaux des comtes, & des évêques & abbés rendoient aussi la justice dans les terres qui leur étoient données à titre de bénéfice, ce qui fut le commencement des justices seigneuriales.

Quelque tems après tous les bénéfices des laïcs ayant été transformés en fiefs, les justices des comtes & des ducs devinrent elles-mêmes des justices seigneuriales, & il n’y avoit alors de justices royales que celles qui étoient exercées par les officiers du roi dans les terres de son domaine.

Lorsque les comtes & les ducs changerent leurs gouvernemens en seigneuries héréditaires, ils se déchargerent du soin de rendre la justice sur des vicomtes, viguiers ou prevôts ; dans les lieux où il y avoit un château, leurs lieutenans furent nommés châtelains ; dans les simples bourgs & villages, les juges qui prirent la place des centeniers furent appellés majores villarum, maires ou principaux des villages ; titre qui revenoit assez à celui de magistri pagorum, qui étoit usité chez les Romains.

Les ducs & les comtes s’étoient néanmoins réservé une jurisdiction supérieure au-dessus de toutes ces justices, qu’ils continuerent encore pendant quelque tems d’exercer avec leurs pairs ou principaux vassaux qui étoient pares inter se : ils tenoient leurs audiences ou assises avec eux quatre fois l’année & même plus souvent, lorsque cela étoit nécessaire, on y traitoit des affaires concernant le domaine & autres droits du seigneur, de celles où quelque noble ou ecclésiastique étoit intéressé, de crimes qui méritoient la mort naturelle ou civile, enfin des appellations des juges inférieurs.

Cette portion de jurisdiction que les ducs & les comtes s’étoient réservée, fut encore abandonnée par eux à des officiers qu’on nomma baillifs, & en d’autres endroits, sénéchaux.

Les prelats, les chapitres & les abbayes de fondation royale s’étant plaint des entreprises que les juges royaux faisoient sur leurs privileges, nos rois les mirent sous leur protection & sauve-garde, leur donnant pour juge le prevôt de Paris ; c’est ce que

l’on appelle le droit de garde gardienne.

D’un autre côté, les seigneurs supportant impatiemment l’inspection des commissaires du roi, appellés missi dominici, qui les rappelloient à leur devoir ; on cessa pendant quelque tems d’en envoyer, mais au lieu de ces commissaires, le roi établit quatre baillifs pour juger les appellations des juges royaux inférieurs ; le siege de ces baillages fut placé à Vermand, aujourd’hui Saint-Quentin, à Sens, à Mâcon & à Saint Pierre-le-Moutier.

Philippe Auguste établit en 1190 de semblables bailliages dans toutes les principales villes de son domaine, & dans la suite les anciens duchés & comtés ayant été réunis par divers voies à la couronne, les prevôtés, baillages, sénéchaussées & autres justices, qui étoient établies dans ces seigneuries, devinrent toutes des justices royales.

Les simples justices seigneuriales sont demeuré subordonnées aux prévôtés & autres justices royales du premier degré ; elles ont aussi été appellées en quelques endroits prevôtés, & châtellenies en d’autres bailliages ; mais pour distinguer les juges de ces bailliages seigneuriaux de ceux des bailliages royaux, ces derniers furent appellés baillivi majores, & les autres baillivi minores.

Les justices royales inférieures sont subordonnées aux bailliages & sénéchaussées, & ces tribunaux de leur part ressortissent par appel au parlement, dont l’origine remonte jusqu’au commencement de la monarchie, ainsi qu’on le dira ci-après au mot Parlement.

Sous les deux premieres races de nos rois, & encore assez avant sous la troisieme, il ne connoissoit que des affaires d’état & autres affaires majeures ; la voie d’appel au parlement ne devint guere usitée que depuis que cette cour eut été rendue sédentaire à Paris.

Les autres parlemens ont été établis peu-à-peu à mesure que les affaires se sont multipliées.

Pour décharger les parlemens de plusieurs petites affaires, on a établi les présidiaux qui jugent en dernier ressort jusqu’à 250 liv. de principal ou 10 l. de rente.

Outre les jurisdictions ordinaires, nos rois en ont établi plusieurs autres extraordinaires, les unes qu’on appelle jurisdictions d’attribution, les autres jurisdictions de privilege ; quelques-unes de ces jurisdictions ressortissent par appel au parlement comme les requêtes de l’hôtel & du palais, les tables de marbre ; d’autres ressortissent aux cours des aides, telles que les élections & greniers à sel, &c.

Quant à la maniere de rendre la justice dans les tribunaux de France, anciennement il n’étoit pas permis de plaider par procureur ; il falloit se présenter en personne même dans les affaires civiles, à moins d’en avoir obtenu dispense ; mais depuis long-tems les parties ont été admises à se servir du ministere des procureurs, il est même devenu nécessaire, excepté dans les petites justices où les parties peuvent défendre elles-mêmes leur cause.

On dit néanmoins encore qu’il n’y a que le roi & la reine qui plaident par procureur ; mais cela veut dire qu’ils ne plaident pas on leur nom, & que c’est leur procureur général qui est on qualité pour eux ; à quoi il faut ajouter les seigneurs qui plaident dans leur justice sous le nom de leur procureur-fiscal.

Les affaires civiles s’intentent par une demande & sur les exceptions, défenses & autres procédures ; on en vient à l’audience, où la cause se juge sur la plaidoirie des avocats ou des procureurs des parties ; lorsqu’il s’agit d’un appel ou de questions de droit, la cause doit être plaidée par des avocats.

Quand l’affaire ne peut être vuidée à l’audience,