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vacans, les épaves ; il a la moitié des trésors cachés d’ancienneté, lorsque celui qui les découvre est propriétaire du fonds où ils sont trouvés, & le tiers lorsque le trésor est trouvé dans le fonds d’autrui.

La moyenne justice connoît comme la haute de toutes les causes réelles, personnelles & mixtes, & des droits & devoirs dûs au seigneur, avec pouvoir de condamner les sujets en l’amende portée par la coutume ; mais on ne peut pas y faire d’adjudication par decret.

Elle a la police des chemins & voiries publiques, & l’inspection des poids & mesures ; elle peut faire mesurage & bornage, faire élire des messiers, condamner en l’amende dûe pour le cens non payé.

A l’égard des matieres criminelles, les coutumes ne sont pas uniformes par rapport au pouvoir qu’elles donnent au moyen-justicier.

Plusieurs coutumes lui donnent seulement le pouvoir de connoître des délits légers dont l’amende n’excede pas 60 sols parisis ; il peut néanmoins faire prendre tous délinquans qui se trouvent dans son territoire, les emprisonner, informer, tenir le prisonnier l’espace de 24 heures ; après quoi si le crime mérite plus grieve punition que 60 sols parisis d’amende, il doit faire conduire le prisonnier dans les prisons du haut-justicier, & y faire porter le procès pour y être pourvû.

D’autres coutumes, telles que celles de Picardie & de Flandres, attribuent au moyen-justicier la connoissance des batteries qui vont jusqu’à effusion de sang, pourvû que ce ne soit pas de guet-à-pens, & la punition du larcin non capital.

D’autres encore attribuent au moyen-justicier la connoissance de tous les délits qui n’emportent pas peine de mort, ni mutilation de membres.

Enfin, celles d’Anjou, Touraine & Maine, lui attribuent la connoissance du larcin, même capital, & de l’homicide, pourvû que ce ne soit pas de guet-à-pens.

Ces différences proviennent ou des concessions plus ou moins étendues, faites soit par le roi, ou par les seigneurs dont les petites justices relevoient immédiatement, ou de ce que les seigneurs inférieurs ont été plus ou moins entreprenans, & de la possession qu’ils ont acquise.

La basse justice qu’on appelle aussi en quelques endroits justice fonciere, ou censuelle, connoît des droits dûs aux seigneurs, tels que cens & rentes, & de l’amende, du cens non payé, exhibition de contrats, lods & ventes.

Elle connoît aussi de toutes matieres personnelles entre les sujets du seigneur jusqu’à 50 sols parisis.

Elle exerce la police dans son territoire, & connoît des dégats commis par des animaux, des injures légeres, & autres délits, dont l’amende ne pourroit être que dix sols parisis & au-dessous.

Lorsque le délit requiert une amende plus forte, le bas-justicier doit en avertir le haut-justicier ; auquel cas le premier prend sur l’amende qui est adjugée par le haut-justicier la somme de six s. parisis.

Le juge bas-justicier peut faire arrêter tous les délinquans ; & pour cet effet, il doit avoir sergent & prison, à la charge aussi-tôt après la capture, de faire mener le prisonnier au haut-justicier avec l’information, sans pouvoir decréter.

Le bas justicier peut faire mesurage & bornage entre ses sujets de leur consentement.

En quelques pays il y a deux sortes de basse-justice ; l’une fonciere ou censuelle, qui est attachée de droit à tout fief, & qui ne connoît que des droits du seigneur ; l’autre personnelle, qui connoît de toutes les matieres dont la connoissance appartient communément aux bas-justiciers.

L’origine de la plûpart des justices seigneuriales est si ancienne, que la plûpart des seigneurs n’ont point le titre primitif de concession, soit que leur justice soit dérivée du commandement militaire qu’avoient leurs prédécesseurs, soit que ceux-ci l’ayent usurpée dans des tems de trouble & de révolution.

Quoi qu’il en soit des justices qui sont établies, elles sont toutes censées émanées du roi, & lui seul peut en concéder de nouvelles, ou les réunir ou démembrer ; lui seul pareillement peut y créer de nouveaux offices.

Les justices seigneuriales sont devenues patrimoniales en même tems que les bénéfices ont été transformés en fiefs, & rendus héréditaires.

Une même justice peut s’étendre sur plusieurs fiefs qui n’appartiennent pas à celui qui a la justice, mais il n’y a point de justice seigneuriale qui ne soit attachée à un fief, & elle ne peut être vendue ni aliénée sans ce fief.

Anciennement les seigneurs rendoient eux-mêmes la justice ; cela étoit encore commun vers le milieu du xij. siecle. Les abbés la rendoient aussi en personne avec leurs religieux ; c’est pourquoi ils ne connoissoient pas des grands crimes, tels que le duel, l’adultere, l’incendie, trahison, & homicide ; mais depuis on a obligé tous les seigneurs de commettre des juges pour rendre la justice en leur nom.

Il n’est pas nécessaire que les juges de seigneurs soient gradués, il suffit qu’ils ayent d’ailleurs les autres qualités nécessaires.

Ces juges sont commis par le seigneur, & prêtent serment entre ses mains ; ils sont révocables ad nutum, mais ils ne peuvent être destitués comme elogio, sans cause légitime ; & s’ils ont été pourvûs à titre onéreux, ou pour récompense de services réels, ils doivent être indemnisés.

Dans les simples justices non qualifiées il n’y a ordinairement qu’un seul juge ; il ne peut pas avoir de lieutenant, que le seigneur ne soit autorisé par lettres-patentes à en commettre un.

En l’absence du juge c’est le plus ancien praticien qui tient le siége.

Dans les affaires criminelles les juges de seigneurs sont obligés d’appeller deux gradués pour juger conjointement avec eux ; s’il y a deux juges officiers du siége, il suffit d’appeller un gradué.

Le seigneur plaide dans la justice par le ministere de son procureur-fiscal ou procureur d’office, lequel fait aussi toutes les fonctions du ministere public dans les autres affaires civiles & criminelles ; mais sur l’appel des sentences où le seigneur est intéressé, c’est le seigneur lui-même qui plaide en son nom.

Les juges de seigneurs ont un sceau pour sceller leurs sentences ; ils ont aussi des sergens pour les mettre à exécution, & pour faire les autres exploits de justice.

Les seigneurs même hauts justiciers, n’ont pas tous droits de notariat & tabellionage, cela dépend des titres ou de la possession ou de la coutume.

Les justices des duchés & comtés-pairies, & autres grandes terres titrées, ne sont que des justices seigneuriales, de même que les simples justices. Les pairies ont seulement la prérogative de ressortir nuement au parlement ; les juges de ces justices pairies prennent le titre de lieutenant général, & en quelques endroits ils ont un lieutenant particulier.

Dans les châtellenies les juges sont nommés châtelains, dans les simples justices, prevôts ou baillifs ; dans les basses justices, ils ne doivent avoir que le titre de maire, mais tout cela dépend beaucoup de l’usage. Voyez Loiseau, des seigneuries, chap. iv. & suiv. Bacquet, des droits de justice, & Pairie, Seigneur. (A)