Page:Dion Cassius - Histoire romaine, tome 1, 1889.djvu/37

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je réponds sans détour : Si elles étaient autre chose qu'une déclamation, elles décèleraient un coeur bas ou un esprit faux ; mais on sait que Dion, nourri des grands écrivains de la Grèce et de Rome, ne les imite pas toujours avec discernement. Après avoir emprunté à Cicéron lui-même les violentes accusations qu'il mit dans sa bouche contre Antoine[1], il voulut sans doute, à la manière des anciens sophistes, faire la contre-partie dans la réponse de Q. Fabius Calenus : l'antagoniste d'Antoine avait frayé la route à l'antagoniste de Cicéron. Ces deux harangues blessent également la politesse et l'urbanité des temps modernes[2] ; mais, en remontant au siècle le plus brillant de l'éloquence grecque, ne voyons-nous pas l'injure ainsi poussée jusqu'à son dernier terme? Eschine et Démosthène sont-ils plus retenus que Cicéron et Calenus ?

Égaré par une imitation maladroite, Dion mit aux prises deux hommes qui tinrent une grande

  1. Liv. XLV, 18-47. cette harangue est un résumé des Philippiques, et surtout de la deuxième, dans laquelle Cicéron peint avec les plus effrayantes couleurs les vices et les crimes d’Antoine, et oùil représente sa vie comme une longue suite de débauches, de violences et de rapines.
  2. « Chez les Romains comme chez les Grecs, dit Gueroult dans son introduction à la 2e Philippiques, la satire personnelle pouvait se donner toute licence : c’est d’après ces réflexions, et non d’après nos moeurs, qu’il faut lire, dans quelques discours des orateurs anciens, ces invectives que notre goût condamne, et qui étaient autorisées par les moeurs républicaines. » Oeuv. de Cicéron, t. XV, éd. de M. J. V. Le Clerc.