Page:Dire de l'abbé Sieyès sur la question du Veto royal, à la séance du 7 septembre 1789.djvu/9

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
7

toutes les déciſions contraires. On n’a beſoin que de ce premier apperçu pour ſentir qu’un tel pouvoir eſt énorme, & que celui qui l’exerce eſt à-peu-près le maître de tout.

Perſiſtera-t-on à dire qu’empêcher n’eſt point faire ? Je ne ſais ; mais, dans cette Aſſemblée même, ce n’eſt pas autre choſe que fait la Majorité, à qui pourtant vous ne refuſez pas le droit de faire. Lorſqu’une Motion eſt ſoutenue ſeulement par la Minorité, la Majorité exprime le vœu national en la refuſant ; elle exerce ſon Pouvoir légiſlatif ſans limites ; en cela, il eſt permis de le demander : Que fait-elle de plus qu’un acte dont on veut attribuer l’exercice au Pouvoir exécutif ? Je dis que le droit d’empêcher que l’on veut accorder au Pouvoir exécutif, eſt bien plus puiſſant encore ; car enfin, la Majorité du Corps légiſlatif n’arrête que la Minorité, au lieu que le Miniſtère arrêteroit la Majorité elle-même, c’eſt-à-dire, le vœu national, que rien ne doit arrêter. Je ſuis tellement frappé de cette différence, que le veto ſuſpenſif ou abſolu, peu importe, ne me paroît plus qu’un ordre arbitraire ; je ne puis le voir que comme une lettre-de-cachet lancée contre la volonté nationale, contre la Nation entière.

Je ſais qu’à force de diſtinctions d’une part, & de confuſion de l’autre, on en eſt parvenu à con-