Une chose également assez digne de remarque, c’est que dans ces
listes de rois, toutes sèches, toutes peu historiques qu’elles sont, les Indiens placent le commencement de leurs souverains humains,
(ceux de la race du Soleil et de la Lune) à une époque qui est à peu
près la même que celle où Ctésias, dans une liste entièrement de la
même nature, fait commencer ses rois d’Assyrie (environ quatre
mille ans avant le temps présent)[1].
Cet état déplorable des connaissances historiques devait être celui
d’un peuple où les prêtres, héréditaires d’un culte monstrueux dans
ses formes extérieures et cruel dans beaucoup de ses préceptes,
avaient seuls le privilège d’écrire, de conserver et d’expliquer les livres ; quelque légende faite pour mettre en vogue un lieu de pèlerinage, des inventions propres à graver plus profondément le respect
pour leur caste, devaient les intéresser plus que toutes les vérités
historiques. Parmi les sciences, ils pouvaient cultiver l’astronomie,
qui leur donnait du crédit comme astrologues ; la mécanique, qui
les aidait à élever les monumens, signes de leur puissance et objets
de la vénération superstitieuse des peuples ; la géométrie, base de
l’astronomie comme de la mécanique, et auxiliaire important de
l’agriculture dans ces vastes plaines d’alluvion qui ne pouvaient être
assainies et rendues fertiles qu’à l’aide de nombreux canaux ; ils
pouvaient encourager les arts mécaniques ou chimiques qui alimentaient
leur commerce, et contribuaient à leur luxe et à celui de leurs
temples ; mais ils devaient redouter l’histoire qui éclaire les hommes
sur leurs rapports mutuels.
Ce que nous voyons aux Indes, nous devons donc nous attendre à le retrouver partout où des races sacerdotales, constituées comme celle des Bramines, établies dans des pays semblables, s’arrogeaient le même empire sur la masse du peuple. Les mêmes causes amènent
- ↑ Bentley. Mém. de Calcutta, tome VIII, page 226 de l’édition in-8., note.
indienne ont aussi des noms de personnages grecs ; qu’on y voit Andromède sous le nom d’Antarmadia, Cephée sous celui de Capiia, etc., on sera peut-être tenté d’en tirer, avec M. Wilfort, une conclusion entièrement inverse. Malheureusement on commence à douter beaucoup, parmi les savans, de l’authenticité des documens allégués par cet écrivain.