Page:Discours sur les révolutions de la surface du globe, et sur les changemens qu'elles ont produits dans le règne animal.djvu/118

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rante ans plus tard, sous la dynastie qui avait renversé celle à laquelle appartenait Chi-Hoangti, une partie du Ghouking fut restituée de mémoire par un vieux lettré, et une autre fut retrouvée dans un tombeau ; mais près de la moitié fut perdue pour toujours. Or ce livre, le «plus authentique de la Chine, commence l’histoire de ce pays par un empereur nommé Yao, qu’il nous représente occupé à faire écouler les eaux qui, s'étant élevées jusqu'au ciel, baignaient encore le pied des plus hautes montagnes, couvraient les collines moins élevées, et rendaient les plaines impraticables[1]. Ce Yao date, selon les uns, de quatre mille cent soixante-trois ; selon les autres, de trois mille neuf cent quarante-trois ans avant le temps actuel. La variété des opinions sur cette époque va même jusqu’à deux cent quatre-vingt-quatre ans.

Quelques pages plus loin on nous montre Yu, ministre et ingénieur, rétablissant le cours des eaux, élevant des digues, creusant des canaux, et réglant les impôts de chaque province dans toute la Chine, c’est-à-dire dans un Empire de six cents lieues en tout sens ; mais l’impossibilité de semblables opérations, après de semblables événemens, montre bien qu’il ne s’agit ici que d’un roman moral et politique[2].

Des historiens plus modernes ont ajouté une suite d’empereurs avant Yao, mais avec une foule de circonstances fabuleuses, sans oser leur assigner d’époques fixes, en variant sans cesse entre eux, même sur leur nombre et sur leurs noms, et sans être approuvés de tous leurs compatriotes. Fouhi, avec son corps de serpent, sa tête de bœuf et ses dents de tortue, ses successeurs non moins monstrueux, sont aussi absurdes et n’ont pas plus existé qu’Encelade et Briarée.

Est-il possible que ce soit un simple hasard qui donne un résultat aussi frappant, et qui fasse remonter à peu près à quarante siècles l’origine traditionnelle des monarchies assyrienne, indienne et chi-

  1. Chouking, traduction française, page 9.
  2. C’est le Yu-Kong ou le premier chap. de la deuxième partie du Chouking, pages 43 à 60.