Page:Discours sur les révolutions de la surface du globe, et sur les changemens qu'elles ont produits dans le règne animal.djvu/120

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Pour apprécier ce raisonnement, il est nécessaire que nous entrions ici dans quelques explications.

Le solstice est le moment de l’année où commence la crue du Nil, et celui que les Égyptiens ont dû observer avec le plus d’attention. S’étant fait dans l’origine sur de mauvaises observations une année civile ou sacrée de trois, cent soixante-cinq jours juste, ils voulurent la conserver par des motifs superstitieux, même après qu’ils se furent aperçus qu’elle ne s’accordait pas avec l’année naturelle ou tropique, et ne ramenait pas les saisons aux mêmes jours[1]. Cependant c’était cette année tropique qu’il leur importait de marquer pour se diriger dans leurs opérations agricoles. Ils durent donc chercher dans le ciel un signe apparent de son retour, et ils imaginèrent qu’ils trouveraient ce signe quand le soleil reviendrait à la même position, relativement à quelque étoile remarquable. Ainsi ils s’appliquèrent, comme presque tous les peuples qui commencent cette recherche, à observer les levers et les couchers héliaques des astres. Nous savons qu’ils choisirent particulièrement le lever héliaque de Sirius ; d’abord, sans doute, à cause de la beauté de l’étoile, et surtout parce que dans ces anciens temps ce lever de Sirius coïncidant à peu près avec le solstice, et annonçant l’inondation, était pour eux le phénomène de ce genre le plus important. Il arriva même de là que Sirius, sous le nom de Sothis, joua le plus grand rôle dans toute leur mythologie et dans leurs rites religieux. Supposant donc que le retour du lever héliaque de Sirius et l’année tropique étaient de même durée, et croyant enfin reconnaître que cette durée était de trois cent soixante-cinq jours et un quart, ils imaginèrent une période après laquelle l’année tropique et l’ancienne année, l’année sacrée de trois cent soixante-cinq jours seulement, devaient revenir au même jour ; période qui, d’après ces données peu exactes, était nécessairement de mille quatre cent soixante-une années sacrées et de mille quatre cent soixante de ces années perfectionnées auxquelles ils donnèrent le nom d’années de Sirius.

  1. Geminus, contemporain de Cicéron, explique au long leurs motifs. Voyez l’édition qu’en donne M. Halma à la suite du Ptolomée, page 43.