Page:Discours sur les révolutions de la surface du globe, et sur les changemens qu'elles ont produits dans le règne animal.djvu/123

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ce serait un pur hasard qui aurait fixé avec tant de justesse la durée de celle-ci pour l’époque dont il est question[1].

Peut-être jugera-t-on aussi que des hommes capables d’observations si exactes, et qui les auraient continuées pendant si long-temps, n’auraient pas donné à Sirius assez d’importance pour lui vouer un culte ; car ils auraient vu que les rapports de son lever avec l’année tropique et avec la crue du Nil n’étaient que temporaires, et n’avaient lieu qu’à une latitude déterminée. En effet, selon les calculs de M. Ideler, en 2782 avant Jésus-Christ, Sirius se montra dans la Haute-Égypte le deuxième jour après le solstice ; en 1322, le treizième; et en 139 de Jésus-Christ, le vingt-sixième[2]. Aujourd’hui il ne se lève héliaquement que plus d’un mois après le solstice. Les Égyptiens se seraient donc attachés de préférence à trouver l’époque qui ramènerait la coïncidence du commencement de leur année sacrée avec celui de la véritable année tropique ; et alors ils auraient reconnu que leur grande période devait être de mille cinq cent huit années sacrées, et non pas de mille quatre cent soixante-une[3]. Or on ne trouve certainement aucune trace de cette période de mille cinq cent huit ans dans l’antiquité.

En général, peut-on se défendre de l’idée que si les Égyptiens avaient eu de si longues suites d’observations, et d’observations exactes, leur disciple Eudoxe, qui étudia treize ans parmi eux, aurait porté en Grèce une astronomie plus parfaite, des cartes du ciel moins grossières, plus cohérentes dans leurs diverses parties[4] ?

Comment la précession n’aurait-elle été connue aux Grecs que par les ouvrages d’Hipparque, si elle eut été consignée dans les registres des Égyptiens, et écrite en caractères si manifestes aux plafonds de leurs temples ?

  1. Delambre. Rapport sur le Mémoire de M. Paravey sur la sphère, dans le tome VIII des nouvelles Annales des Voyages.
  2. Ideler, loc. cit., page 38.
  3. Voyez Laplace, Système du Monde, troisième édition, page 17 ; et Annuaire de 1818.
  4. Voyez sur la grossièreté des déterminations de la sphère d’Eudoxe, M. Delambre dans le premier tome de son Histoire de l’Astronomie ancienne, pages 120 et suivantes.