Page:Discours sur les révolutions de la surface du globe, et sur les changemens qu'elles ont produits dans le règne animal.djvu/177

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Les lacs d’eau douce autour desquels vivaient ces divers animaux, et qui recevaient leurs ossemens, nourrissaient, outre les tortues et les crocodiles, quelques poissons et quelques coquillages. Tous ceux que l’on a recueillis sont aussi étrangers à notre climat et même aussi inconnus dans les eaux actuelles que les palæotheriums et les autres quadrupèdes leurs contemporains[1].

Les poissons appartiennent même en partie à des genres inconnus.

Ainsi l’on ne peut douter que cette population, que l’on pourrait appeler d'âge moyen, cette première grande production de mammifères, n’ait été entièrement détruite ; et en effet, partout où l’on en découvre les débris, il y a au-dessus de grands dépôts de formation marine, en sorte que la mer a envahi les pays que ces races habitaient, et s’est reposée sur eux pendant un temps assez long.

Les pays inondés par elle à cette époque étaient-ils considérables en étendue? c’est ce que l’étude de ces anciens bancs formés dans leurs lacs ne permet pas encore de décider.

J’y rapporte nos plâtrières et celles d’Aix, plusieurs carrières de pierres marneuses et les molasses, du moins celles du midi de la France. Je crois pouvoir y rapporter aussi les portions des molasses de Suisse, et des lignites de Ligurie et d’Alsace, où l’on trouve des quadrupèdes des familles que je viens de faire connaître ; mais je ne vois pas qu’aucun de ces animaux se soit encore retrouvé en d’autres pays. Les os fossiles de l’Allemagne, de l’Angleterre et de l'Italie, sont tous ou plus anciens ou plus nouveaux que ceux dont nous venons de parler, et appartiennent ou à ces antiques races de reptiles des terrains jurassiques et des schistes cuivreux, ou aux dépôts de la dernière inondation universelle, aux terrains diluviaux.

Il est donc permis de croire, jusqu’à ce que l’on ait la preuve du contraire, qu’à l’époque où vivaient ces nombreux pachydermes le globe ne leur offrait pour habitations qu’un petit nombre de plaines assez fécondes pour qu’ils s’y multipliassent, et que peut-être ces plaines étaient des régions insulaires, séparées par d’assez grands

  1. Voyez mes Recherches sur les ossemens fossiles, tome III, page 338.