Page:Discours sur les révolutions de la surface du globe, et sur les changemens qu'elles ont produits dans le règne animal.djvu/52

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N’y cherchons pas davantage les animaux mythologiques des Perses, enfans d’une imagination encore plus exaltée ; cette martichore ou destructeur d’hommes, qui porte une tête humaine sur un corps de lion, terminé par une queue de scorpion[1] ; ce griffon ou gardeur de trésors, à moitié aigle, à moitié lion[2] ; ce cartazonon[3] ou âne sauvage, dont le front est armé d’une longue corne.

Ctésias, qui a donné ces animaux pour existans, a passé, chez beaucoup d’auteurs, pour un inventeur de fables, tandis qu’il n’avait fait qu’attribuer de la réalité à des figures emblématiques. On a retrouvé ces compositions fantastiques sculptées dans les ruines de Persépolis [4] ; que signifiaient-elles ? nous ne le saurons probablement jamais ; mais à coup sûr elles ne représentent pas des êtres réels.

Agatharchides, cet autre fabricateur d’animaux, avait probablement puisé à une source analogue : les monumens de l’Egypte nous montrent encore des combinaisons nombreuses de parties d’espèces diverses : les dieux y sont souvent représentés avec un corps humain et une tête d’animal ; on y voit des animaux avec des têtes d’hommes, qui ont produit les cynocéphales, les sphinx et les satyres des anciens naturalistes. L’habitude d’y représenter dans un même tableau des hommes de tailles très-différentes, le roi ou le vainqueur gigantesque, les vaincus ou les sujets trois ou quatre fois plus petits, aura donné naissance à la fable des pygmées. C’est dans quelque recoin d’un de ces monumens qu’Agatharchides aura vu son taureau Carnivore, dont la gueule, fendue jusqu’aux oreilles, n’épargnait aucun autre animal[5], mais qu’assurément les naturalistes n’a-

  1. Plin., vin, 31 ; Arist., lib. III, cap. XI ; Phot., Bibl., art. 72 ; Ctes, Indic. ; Ælian., Anim., IV, 27.
  2. AElian, Anim., IV. 27.
  3. Idem, XVI, 20 ; Photius, Bibl., art. 72 ; Ctes., Indic.
  4. Voyez Corneille Lebrun, Voyage en Moscovie, en Perse et aux Indes, t. II et l’ouvrage Allemand de M. Heeren, sur le commerce des anciens.
  5. Photius, Bibl., art. 250 ; Agatharchid., Excerpt. hist., cap. XXXIX ; AElian., Anim., XVII, 45 : Plin., VIII, 21.