Page:Discours sur les révolutions de la surface du globe, et sur les changemens qu'elles ont produits dans le règne animal.djvu/95

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Il n’y a nulle raison pour ne pas attribuer la rédaction de la Genèse à Moïse lui-même, ce qui la ferait remonter à cinq cents ans plus haut, à trente-trois siècles ; et il suffit de la lire pour s’apercevoir qu’elle a été composée en partie avec des morceaux d’ouvrages antérieurs : on ne peut donc aucunement douter que ce ne soit l’écrit le plus ancien dont notre Occident soit en possession.

Or cet ouvrage, et tous ceux qui ont été faits depuis, quelque étrangers que leurs auteurs fussent et à Moïse et à son peuple, nous présentent les nations des bords de la Méditerranée comme nouvelles ; ils nous les montrent encore demi-sauvages quelques siècles auparavant ; bien plus, ils nous parlent tous d’une catastrophe générale, d’une irruption des eaux, qui occasiona une régénération presque totale du genre humain, et ils n’en font pas remonter l’époque à un intervalle bien éloigné.

Les textes du Pentateuque qui allongent le plus cet intervalle ne le placent pas à plus de vingt siècles avant Moïse, ni par conséquent à plus de cinq mille quatre cents ans avant nous[1].

Les traditions poétiques des Grecs, sources de toute notre histoire profane pour ces époques reculées, n’ont rien qui contredise les annales des Juifs ; au contraire, elles s’accordent admirablement avec elles, par l’époque qu’elles assignent aux colons égyptiens et phéniciens qui donnèrent à la Grèce les premiers germes de civilisation ; on y voit que vers le même siècle où la peuplade israélite sortit d'Égypte pour porter en Palestine le dogme sublime de l’unité de Dieu, d’autres colons sortirent du même pays pour porter en Grèce une religion plus grossière, au moins à l’extérieur, quelles que fussent d’ailleurs les doctrines secrètes qu’elle réservait à ses initiés ; tandis que d’autres encore venaient de Phénicie et enseignaient aux Grecs l’art d’écrire, et tout ce qui a rapport à la navigation et au commerce[2].

  1. Les Septante à cinq mille trois cent quarante-cinq ; le texte samaritain à quatre mille huit cent soixante-neuf ; le texte hébreu à quatre mille cent soixante-quatorze.
  2. On sait que les chronologistes varient de plusieurs années sur chacun de ces événemens ;