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Page:Dodge Stahl - Les Patins d argent.djvu/109

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aussi joyeuses qu’elles l’avaient été en y entrant, alors que nul ne soupçonnait encore que le trésor de la compagnie du capitaine Peter fut si malheureusement perdu.

Le seul incident notable du départ fut une allocution de l’Anglais Ben à Haarlem :

« Adieu, capitale des tulipes ! s’était-il écrié. Il était sans doute écrit dans le livre des Destins que le temps me serait refusé d’admirer tes beautés et de t’aider à retrouver ta fameuse tulipe noire. Adieu, patrie de Ruysdaël et de l’organiste chrétien Muller ! Je ne verrai pas tes tableaux, je n’entendrai pas ton orgue incomparable. Je ne pourrai pas dire à mes compatriotes que j’ai compté moi-même les cinq mille tuyaux que le souffle de Haendel et de Mozart a fait vibrer. Je me rappellerai que, tout en me passant de te voir, j’ai eu la mauvaise chance aussi d’être obligé de me passer de dîner. »

Lambert, qui seul comprit cette allocution prononcée par Ben en anglais, perdit en l’écoutant l’air tragique que les tiraillements de son robuste estomac étaient en train de lui donner et retrouva du coup sa bonne humeur.

« Qu’est-ce que cela signifie ? s’écria Karl avec indignation avant qu’ils n’eussent donné vingt coups de patin. N’est-ce pas ce vagabond aux patins de bois, avec ses culottes de cuir rapiécées, que j’aperçois là-bas ? Le ciel confonde ce mendiant ! On le trouve partout ! Nous aurons de la chance, ajouta-t-il d’un ton moqueur, si le capitaine ne nous ordonne pas de nous arrêter pour lui donner une poignée de main.

— Votre capitaine est un garçon terrible, dit en riant Peter. Mais ce doit être une fausse alarme, Karl ; je ne découvre pas votre bête noire parmi les patineurs. Ah ! vous avez raison, le voici. Mais qu’est-ce qu’il a donc ? »

Pauvre Hans ! il était absolument à bout de souffle et avait les lèvres toutes blanches. Il patinait comme sous