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son portail, son vestibule décoré de sculptures précieuses, rehaussées d’ornements d’or et de couleurs, œuvres d’artistes de goût, faisaient l’admiration de tout le voisinage.

La demeure de Katrinka, située à un mille de distance, était la plus belle des maisons de campagne. Le jardin, partagé en petits carrés et en petits sentiers d’une régularité mathématique, avait l’air si peu naturel, que les oiseaux devaient le prendre pour un jeu d’énigmes chinoises. Mais en été ce jardin était magnifique ; les fleurs tiraient le meilleur parti possible de leurs raides parterres soumis au cordeau ; elles brillaient toutefois, parfumaient l’air et allaient jusqu’à se mêler et s’enlacer sans façon, lorsque, par grand bonheur pour elles, le jardinier oubliait pendant vingt-quatre heures de les ramener au bon ton, c’est-à-dire à la régularité symétrique que leur imposaient d’inflexibles tuteurs. Les soldats du roi de Prusse ne sauraient mieux faire l’exercice. Katrinka préférait pourtant les plates-bandes d’hyacinthes roses et blanches. Elle aimait leur fraîcheur et leur parfum, ainsi que la façon légère dont leurs têtes en clochettes se permettaient parfois de se balancer sous le souffle de la brise.

Karl avait tout à la fois raison et tort lorsqu’il disait que Katrinka et Rychie seraient furieuses si Gretel concourait pour les patins. Il avait entendu dire à Rychie que ce serait « trop fort ! Une honte enfin ! » Ce qui en toutes langues exprime pour les jeunes filles l’indignation la plus profonde. Il avait vu aussi Katrinka secouer sa jolie tête et répéter comme un écho : « Ce serait trop fort ! ce serait une honte ! » Mais l’intonation n’était pas la même, ce n’était qu’un petit coup de sifflet se mêlant aux colères des éléments. Cela cependant avait suffi à le convaincre. Il ne se doutait pas que si Hilda avait la première parlé de Gretel à la place de Rychie, les clochettes de Katrinka auraient tinté aussi volontiers à l’écho de cette douce voix.