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Page:Dodge Stahl - Les Patins d argent.djvu/126

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« Vous êtes si fatiguée, lui dit-elle tout bas. Vous n’avez pas fermé les yeux un instant depuis l’heure terrible. Voyez, mère, j’ai arrangé le lit d’osier, là, dans le coin, j’ai mis dessus tout ce que j’ai pu trouver de choses meilleures pour que vous y reposiez doucement. Voici votre casaque. Ôtez cette jolie robe, je la reploierai bien soigneusement et je la mettrai dans le grand coffre avant que vous vous endormiez. »

Dame Brinker secoua la tête sans détourner les yeux du visage de son mari :

« Je puis veiller, mère, ajouta Gretel avec instance, je vous avertirai chaque fois que le père bougera. Vous êtes si pâle et vos yeux sont si rouges. Je vous en prie, mère, couchez-vous.

Mais l’enfant plaida en vain. Dame Brinker ne voulut pas quitter son poste.

Gretel la regarda en silence, pleine de trouble ; elle se demandait si c’était bien mal d’aimer un parent plus que l’autre. Et sûrement oui, bien sûrement elle avait peur de son père, tandis qu’elle éprouvait pour sa mère un sentiment qui approchait de l’adoration.

« Hans aime tant le père, pensait-elle, pourquoi ne puis-je l’aimer autant que lui ? Et pourtant je n’ai pas pu m’empêcher de pleurer lorsque j’ai vu sa main toute en sang ce mois dernier, le jour où il a fallu lui arracher le couteau avec lequel il venait de se blesser, et maintenant encore combien je souffre lorsque je l’entends se plaindre. Peut-être que je l’aime bien, après tout, et que Dieu verra que je ne suis pas la méchante fille que je crois être quand à tout je préfère notre mère. Oui, j’aime le pauvre père – presque autant que Hans lui-même – pas tout à fait pourtant, car Hans est plus fort que moi et n’est pas forcé d’avoir peur de lui. Oh ! mon Dieu ! il faut qu’il souffre bien dans son lit pour toujours se plaindre comme ça ! Pauvre