Page:Dodge Stahl - Les Patins d argent.djvu/160

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le long de la route de Broek à la Haye et de la Haye à Broek. Tous deux cependant convinrent qu’il serait courtois de se soumettre à la décision de Jacob Poot.

Pauvre et bon Jacob, il devina d’un coup d’œil le sentiment général.

« Non, non, dit-il, je ne parlais que pour le cas où ma proposition vous eût agréé à tous ; il est évident pour moi que la majorité est contraire à ma motion. Continuons à patiner. Je ne suis pas du tout fatigué. »

Les jeunes gens poussèrent un hurrah de plaisir et se remirent tous en route avec une vigueur nouvelle.

Tous, excepté pourtant le brave Poot. Il fit sans doute de son mieux pour ne pas laisser soupçonner sa lassitude ; il n’ouvrit plus la bouche et économisa son souffle et son énergie pour l’effort de plus en plus pénible qui lui restait à faire. Mais ce fut en vain. Son pauvre gros corps ne tarda pas à se rendre de plus en plus lourd pour ses jambes ; et ses jambes tremblantes sous leur fardeau devenaient à leur tour de plus en plus faibles. Bientôt ce fut pis : le sang était monté à ses joues bouffies, ses oreilles étaient en feu. Il en arrivait à ne plus voir à se conduire. Ses artères battaient dans ses tempes.

C’était un métier à lui donner le vertige, ce vertige dont Andersen a dit : qu’il fait dégringoler des montagnes les plus jeunes et les plus hardis chasseurs, qu’il arrache celui dont il fait sa proie de la pointe la plus aiguë des glaciers pour le faire tournoyer dans les airs comme une masse inerte ; ou bien encore qu’il renverse, comme s’ils eussent été frappés de la foudre, les guides eux-mêmes au moment où ils posent le pied sur les pierres qui servent de gué aux torrents.

L’inexorable vertige s’abattit ainsi, à l’insu de tous, sur Jacob Poot. En dépit de sa courageuse résistance, un frisson le secoua des pieds à la tête ; un bruit sourd se fit