Page:Dodge Stahl - Les Patins d argent.djvu/205

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demi-heure. On eût dit six Mercures aux pieds ailés, effleurant à peine la glace. En bon français, ils allaient comme le vent, le corps ployé et les yeux si ardents, que les paisibles patineurs du canal et le gardien lui-même leur criaient de « s’arrêter. » Mais, une fois lancée, la flèche ne s’arrête que pour tomber.

C’est ce qui faillit arriver à Poot d’abord, puis à Ludwig et bientôt à Karl lui-même, et enfin à Lambert, d’ordinaire si résistant. Après avoir soufflé un instant et tâché de reprendre haleine :

« Il est évident, dit Lambert, montrant Ben et Peter toujours courant et très en avant, il est clair que ces deux-là ne s’arrêteront jamais. Quels jarrets et quels poumons !

— C’est de la folie, grommela Karl, de se fatiguer ainsi à un départ. Mais ils luttent pour tout de bon, c’est sûr. Hé, hé, voilà Peter qui cède le pas !

— Allons donc ! s’écria Ludwig qui tenait toujours pour son frère Peter, attrapez-le à se laisser battre, celui-là !

— Je vous dis, moi, que Ben est en avant.

— Je vous réponds, moi, que c’est Peter, répliqua Ludwig avec emportement. Voyons, Lambert, vous qui n’êtes jaloux de personne, oui ou non, Peter n’est-il pas le premier ?

— Je crois que oui, fit Lambert en s’interrogeant. Cependant, à cette distance, on ne peut vraiment jurer de rien. »

Jacob n’était pas rassuré. Il avait horreur des discussions. Aussi dit-il d’un ton câlin :

« Qu’importe, après tout, il n’y a pas là de quoi se fâcher.

— Eh, qui se fâche ? gros Pot que vous êtes », dit Karl avec aigreur.

— Pot ou Poot, cela m’est bien égal, dit le bon Jacob,