Page:Doff - Jours de famine et de détresse, 1943.djvu/62

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Par une nuit d’effroyable chaleur, j’étais étendue avec trois de nos enfants dans la couchette du haut. Ils dormaient ; moi, je ne pouvais pas : je me tournais et retournais en m’agitant. Nous étions couchés sur des sacs en grosse toile, remplis de balle d’avoine qui, réduite en poudre et imbibée d’urine d’enfant, formait une matière immonde et corrosive. La toile m’agaçait et me brûlait la peau ; les puces me harcelaient affreusement ; j’étouffais ; j’avais des bruissements d’oreilles qui me donnaient des hallucinations. J’appelai doucement ma mère et lui dis que je ne pouvais pas dormir, parce que j’entendais les puces marcher.

— Tu entends les puces marcher ? Ah ! cette créature enfantine ! et tu me réveilles pour cela ? tu vas te taire, n’est-ce pas ? je suis éreintée et veux dormir.

Je me tus, mais continuais à m’agiter. N’y tenant plus, je me laissai glisser à terre, en m’aidant de la corde, m’habillai et sortis.

Il pouvait être quatre heures du matin. Il n’y avait dans la rue que les éveilleurs (c’étaient des gens qui, pour cinq « cents » par semaine, éveillaient les ouvriers, en faisant un vacarme qui troublait tout le voisinage). En dehors d’eux,