Page:Doff - Jours de famine et de détresse, 1943.djvu/63

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personne ; tous les magasins du Nieuwendyk fermés ; le calme partout ; ah ! que j’aimais cela !

J’allai vers la Haute Digue qui avançait dans l’Y. La Haute Digue était ma promenade favorite ; j’y faisais souvent l’école buissonnière avec ma petite sœur Naatje. Des deux côtés, l’Y clapotait contre les berges ; on y trouvait des coquillages ; plus loin était une oasis d’arbres et d’herbe fleurie. Quand j’arrivai à la digue, l’air frais du large et la brise matinale me causèrent un tel soulagement qu’en jubilant je happais l’air : je levais les bras, en écartant les doigts, pour mieux sentir jouer le vent sur ma peau irritée. Je restai ainsi longtemps à me griser puis continuai ma promenade pour chercher des fleurs. Arrivée sous les arbres, je fus surprise de voir dans l’herbe les pissenlits et les pâquerettes fermées. Je n’avais jamais vu de fleurs la nuit et ne connaissais pas ce phénomène ; je fus si étonnée que je n’en cueillis aucune, comme prise de méfiance, et j’allai m’asseoir sur un banc.

Il y avait à cet endroit un chantier où des hommes travaillaient ; un d’eux vint se mettre à côté de moi et dit :

— Ah ! la grande fille qui est déjà dehors ! et où vas-tu ?