Page:Doff - Jours de famine et de détresse, 1943.djvu/64

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Je lui répondis que, ne pouvant dormir, j’étais sortie, mais je n’eus garde de parler des puces. Puis je lui demandai pourquoi les pissenlits et les pâquerettes étaient fermées.

— Ah ! mon Dieu, quel ange ! mais elles dorment, ma chérie, elles dorment.

Ce disant, il me souleva et me mit à cheval sur ses genoux. J’y étais à peine que je me sentis empoignée, flanquée dans l’herbe, et qu’un homme sauta à la gorge de l’individu, lui hurlant à la face :

— Ignoble Sodomite[1] ! tu as été en prison pour avoir abusé des petites filles et, à peine sorti, voilà que tu recommences ! Et toi, que fais-tu dehors à cette heure ? Décampe !

Je ne me le fis pas répéter ; Je m’encourus et arrivai hors d’haleine chez nous, où j’entrai en coup de vent. Ma mère se réveilla en sursaut.

— Qu’y a-t-il ? qu’y a-t-il ? s’écria-t-elle.

J’avais eu grand’peur, mais ne me rendais pas compte du danger auquel je venais d’échapper :

  1. En Hollande, l’appellation de « Sodomite » est, par extension, couramment usitée parmi le peuple, comme terme d’injure et de mépris, sans signification précise.