Aller au contenu

Page:Donop - Commandement et obeissance, 2e edition 1909.djvu/42

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ment y allait-il ? Seul ? Soutenu ? Il ne s’en inquiétait pas.

Je courus rejoindre le gros que le colonel commandait. Avant d’atteindre la tête où je comptais trouver le colonel et me renseigner, j’entends la charge qu’on battait en tête, et je vois la colonne qui presse le pas. J’interroge les capitaines que je dépasse. Que font-ils ? Quels ordres ont-ils reçus ? Où vont-ils ? Rien ; ils ne savent rien ! Et c’est ainsi que, de toutes parts, ce régiment allait à l’ennemi, sans que son chef, officier de valeur, eût communiqué sa pensée à personne !

Peut-on faire la guerre ainsi ?

Habitués à ne pouvoir jamais manifester qu’une obéissance passive et, peu à peu, à ne plus penser même à ce qu’il conviendrait de faire, puisque leurs chefs pensent pour eux, règlent leur besogne par le menu, et font tout ce qu’il appartiendrait aux inférieurs de faire ; puisqu’ils leur interdisent de songer à quoi que ce soit et effacent dans leur esprit jusqu’au souvenir des prescriptions réglementaires, les officiers sont exposés à devenir peu à peu impropres à la guerre, à perdre le sentiment de leur responsabilité et même celui de leur devoir, si ce n’est de leur honneur !

Voilà une conclusion qui peut paraître trop sévère et un mot presque injurieux. Il faut me justifier de les avoir prononcés.