Page:Dorat - Œuvres diverses, Neuchatel, 1775.djvu/102

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Craignez de vous borner à des sons éclatans ;
Et gardez que vos bras, suspendus trop long-tems,
Comme deux contrepoids qu’en l’air un fil balance,
Attendent, pour tomber, la fin d’une cadence.
Sans doute par le chant vous devez nous charmer ;
Mais c’est au jeu sur-tout que je veux vous former.
Toi, qui veux t’emparer des rôles à baguette,
Si tu n’as pour talent qu’une audace indiscrette,
Pourras-tu, l’œil en feu, bouleverser les airs,
Faire pâlir Hécate, enfler le sein des mers,
Et perçant de Pluton le ténébreux domaine,
À tes dragons ailés parler en souveraine ?
Tes yeux me peindront-ils la rage et la douleur ?
Pour évoquer l’enfer, il faut de la chaleur.
Ne va point imiter ces sorcieres obscures,
Qui n’ont rien d’infernal, si ce n’est leurs figures ;
Menacent sans fureur, s’agitent sans transport,
Et dont le moindre geste est un pénible effort.
Sisyphe, à leur aspect, et transit et succombe :
De ses doigts engourdis sa roche échappe, tombe ;
Et l’ardent Ixion, surpris de frissonner,
Sur son axe immobile a cessé de tourner.
Il faut que, dans son jeu, la redoutable Armide
M’attendrisse à la fois, m’échauffe et m’intimide.
Dans ces rians jardins Renaud est endormi,
Ce n’est plus ce guerrier, ce superbe ennemi,