L’ame se montre à nu dans ce miroir sincere.
Pourquoi donc le charger d’une forme étrangere ?
Un visage postiche et privé de contour,
Un plâtre enluminé me rendra-t-il l’amour ?
Comment les passions, dans leur fougue énergique,
Pourront-elles percer l’enveloppe gothique,
L’immobile carton inventé par l’ennui,
Qu’un danseur met toujours entre nos cœurs et lui ?
Filles des sombres bords, déités infernales,
Éteignez sur vos fronts ces flammes sépulcrales.
Fleuves, ondains, tritons, dieux soumis au trident,
Quittez vos teints verd-pré, vos visages d’argent.
Vents, ayez plus d’adresse, et moins de bouffissure.
Monstres de nos ballets, respectez la nature.
Indifférente et libre, une nymphe des bois
Pour seule arme aux amours opposoit son carquois,
Et souvent renversoit de ses fleches rapides
Le faon aux pieds légers, et les biches timides.
Errante, l’arc en main, de réduit en réduit,
Un faune l’apperçoit, s’enflamme et la poursuit.
Voyez les mouvemens dont leur ame est atteinte,
Et l’aile du desir, et le vol de la crainte.
Quelle ardeur dans tous deux ! Que d’agiles détours !
Le faune joint la nymphe ; elle échappe toujours.
Elle se sauve enfin, tremblante, sans compagne,
Et gagne, en haletant, le haut d’une montagne.
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