Aller au contenu

Page:Dorat - Œuvres diverses, Neuchatel, 1775.djvu/120

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Là, se laissant aller près d’un arbre voisin,
Son col abandonné touche aux lys de son sein.
Le faune reparoît : il tressaille de joie,
Et retrouve sa force, en retrouvant sa proie.
Ses yeux sont des flambeaux ; ses pas sont des éclairs :
Une fleche est moins prompte à traverser les airs.
La nouvelle Daphné frémit, tremble, chancele :
Au front de son amant l’espérance étincele ;
Du fugitif objet, qu’effarouchent ses voeux,
Déjà son souffle ardent fait voler les cheveux ;
Il l’atteint, il soupire, il demande sa grace :
Le faune s’embellit, la nymphe s’embarrasse,
Se livre par degrés à ce trouble enchanteur,
Tombe, se laisse vaincre, et pardonne au vainqueur.
D’un simulacre vain la froide dissonance
De ces divers combats rendra-t-il la nuance ?
Y verrai-je la crainte et ses frémissemens,
Le trouble, les desirs et l’ardeur des amans ?
Que n’ai-je le génie et le pinceau d’Apelle !
Alard, à mes esprits ce tableau te rappelle.
Jamais nymphe des bois n’eut tant d’agilité :
Toujours l’essain des ris voltige à ton côté.
Que tu mêlanges bien, ô belle enchanteresse,
La force avec la grace, et l’aisance et l’adresse !
Tu sais avec tant d’art entremêler tes pas,
Que l’œil ne peut les suivre, et ne les confond pas.