Page:Dorat - Œuvres diverses, Neuchatel, 1775.djvu/79

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Servez-vous à vous-même et de juge et de guide.

Dans cet emploi brillant peu d’acteurs sont parfaits :
Adorés sur la scene, il leur faut des attraits,
Un abord séduisant, un regard vif et tendre,
Un silence qui parle et qui se fasse entendre,
Le son de voix touchant, le maintien gracieux,
L’art de flatter l’oreille et de charmer les yeux.
Savez-vous ce que peut un éloquent sourire ?
Tous ces riens de l’amour, savez vous les bien dire ?
Pour le représenter, avez-vous ses appas ?
Il enlaidit toujours ceux qu’il n’embellit pas.
Charmant, vous n’avez rien et vous devez tout craindre,
Si vous ignorez l’art d’exprimer et de peindre,
De produire au dehors ces orages du cœur,
Ces mouvemens secrets, ces instans de fureur,
Ces rapides retours, cette brûlante ivresse,
Les transports de l’amour et sa délicatesse.
Un rôle est à la fois, tendre, emporté, jaloux :
Ces contrastes frappans, il faut les rendre tous.
Paisible adorateur, là, bornez-vous à plaire :
Ici, que votre front s’enflamme de colere.
Sachez sur-tout, sachez comment, d’un œil serein,
On vient rendre un portrait, que l’on reprend soudain,
Comme on traite un objet que l’on croit infidelle,
De quel air on lui jure une haine immortelle,
Avec quelle contrainte on feint d’autres amours,