Page:Dorgelès - Le Cabaret de la belle femme.djvu/100

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— Feignant ! T’as donc rien dans le bide, beuglait Grandjean.

— Tu me fais pas peur, s’égosillait Mahieu tout blême… T’es qu’un grand voyou…

Cette fois, Grandjean se dégagea, et de toutes ses forces il porta un large coup de poing que l’autre para comme une taloche, en levant le bras. Aussitôt, se sentant le moins fort, Mahieu ramassa une grosse brique.

Il allait la lancer quand une voix conciliante, une voix mielleuse et peinée sembla sortir de terre.

— Allons, messieurs, disait-elle, vous n’allez pas vous battre…

Ahuris par cette intervention souterraine, les deux territoriaux baissèrent les yeux. À ras de terre, dans les décombres, encadré par le soupirail d’une cave, ils aperçurent une tête blanche et molle d’Allemand coiffée d’un calot sans forme, ni couleur qui cachait à moitié les oreilles et descendait jusqu’aux sourcils. Cette grosse boule de suif leur souriait aimablement.

— Se disputer pour un prisonnier, allons donc, leur reprochait doucement le Prussien. Est-ce sérieux ? Un de perdu, dix de retrouvés… Il vous en manque un, eh bien ! emmenez-moi…

Grandjean, le premier, recouvra ses esprits.

— Qu’est-ce que tu fous là ? sale gueule, demanda-t-il en se penchant curieusement vers le soupirail.

Un sourire de ravissement élargit la bouche de l’Allemand.

— Ça semble bon d’entendre parler français,