Page:Dorgelès - Le Cabaret de la belle femme.djvu/149

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mirent à trembler, et il dut bredouiller des mots de gratitude, que Dieu seul entendit. Les anges, rassurés, se rapprochaient curieusement de lui ; pour se faire bien voir dans la maison, il leur distribua de gros sourires, comme il eût fait à des enfants. Pourtant, dans sa félicité, une chose déjà le tracassait.

— De la harpe qu’il a dit, pensait-il soucieusement !… Eh bien, me v’là bath… Si seulement ils m’avaient demandé de l’accordéon ou de l’ocarina, j’comprendrais, mais de la harpe.

Un tout petit, qui s’était glissé hardiment au premier rang et qu’il reconnut à sa peau de mouton et à sa jolie houlette pour l’avoir déjà vu dans les processions, touchait du bout du doigt sa boîte à masque, son casque, son fourreau de baïonnette. Comme il se risquait jusqu’à la musette bourrée de grenades, Lousteau repoussa doucement la menotte du petit saint Jean.

— Touchez pas, lui dit-il paternellement… Bobo…

Et il sourit à une vieille dame, qui devait être la mère. Parmi toutes ces têtes d’anges curieux, il espérait retrouver au moins un camarade, mais il dévisagea tous les élus sans en reconnaître un seul.. Cela l’étonna.

— Vous n’auriez pas des fois ici un nommé Ricois ? demanda-t-il au bon saint. Il s’est fait tuer à Douaumont, aux premières attaques…

— Non, lui répondit le vieillard de son air éternel.

— C’est dommage… C’était un bon fieu… C’est