Page:Dorgelès - Le Cabaret de la belle femme.djvu/151

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son idée. C’est pas pour dire, mais ça manque d’organisation.

Et ayant ainsi jugé l’armée céleste, il regarda familièrement, avec un brin d’audace, les saints qui l’entouraient.

— D’où venez-vous, mon fils ? demanda l’un, vêtu de bure.

— De la guerre ! répondit orgueilleusement le soldat.

Mais sa fière réponse n’éblouit personne. Les bienheureux surpris se regardèrent, les saintes ouvrirent de grands yeux étonnés, et seul, un jeune archange, aux ailes dorées, parut comprendre.

— La guerre, ah ! oui… murmura-t-il ayant l’air de chercher. En France, je crois… C’est en Europe, n’est-ce pas, sur la gauche ?…

Lousteau en fut tout décontenancé. Il ne pouvait pas croire que sa Guerre n’eût pas ébranlé le ciel lui-même. Vexé, il rejeta sa musette en arrière et dit, la voix bourrue :

— C’est bon… Je vas jeter mes grenades dehors. À tout à l’heure…

Le chemin qui menait au ciel avait encore changé. C’était maintenant une route poudreuse, toute pareille à ces routes du front que suivent les camions cahotants et les régiments harassés.

Il reconnaissait leurs champs râpés, leurs fossés habillés d’herbe poussiéreuse et, clouées aux arbres, les grandes pancartes qui tracent la route des autos. « Enfer », lisait-on. Et les flèches rouges indiquaient le chemin.

Enfer… C’était en enfer qu’ils allaient, tous