Page:Dorgelès - Les Croix de bois.djvu/307

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D’autres, moins atteints, attendaient que le bombardement se ralentît et, posément, ils ouvraient d’un coup de dents leur paquet de pansement. Sulphart se tenait plié en deux, pouvant à peine respirer.

— J’y suis, soufflait-il en regardant un camarade, l’air éperdu.

— C’est rien, lui dit l’autre, c’est juste ta main.

— Non. Dans le dos…

Sous l’épaule, sa capote était trouée et le sang se voyait à peine, faisant juste une tache d’un rouge foncé.

— Ça saigne beaucoup ? demanda-t-il.

— Non. File vite au poste de secours. Je vais simplement panser ta main.

Alors seulement, Sulphart regarda sa main. Ses doigts étaient comme broyés, tout empâtés de sang, et d’avoir vu sa blessure, il sentit aussitôt la douleur.

— Vas-y doucement, ça me fait mal. J’ai de la teinture d’iode dans ma cartouchière jaune, prends-la…

Le camarade lui versa sur sa main fracassée la moitié du flacon et cette atroce brûlure le fit crier. Grossièrement, sans oser serrer, l’autre lui fit son pansement, qui rougissait à mesure qu’on enroulait la toile.

— Et toi ? Où que tu es blessé ? demanda Sulphart.

— Nulle part… je vais rejoindre les copains.

Ils étaient trois, que l’obus avait épargnés.

Ils regardèrent la section qui, un instant arrêtée par une rafale de mitrailleuse, repartait en tirailleurs, puis ils regardèrent les blessés.

— Vous en tirez votre peau, vous autres, dit l’un d’un air d’envie… Y en a pas un qui a du tabac ?

— Si. Il m’en reste un paquet, attends.