Page:Dorgelès - Les Croix de bois.djvu/309

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Le boyau, à cet endroit, serpentait entre les ruines d’un hameau. Comme il passait derrière un mur, il entendit siffler un obus et se blottit. Le coup jaillit si près qu’il crut voir l’éclair rouge, à travers ses paupières fermées. La peur au ventre, il repartit plus vite. D’autres obus suivaient, toute une meute lancée sur ces débris de maisons. Sulphart se mit alors à courir, cherchant un abri. Il aperçut un escalier de cave, en haut duquel se tenait un brancardier.

— Il n’y a plus de place, lui dit l’homme en le repoussant. Va plus loin.

Dans le noir de l’escalier, on devinait des soldats entassés et les taches blanches de leurs pansements. Sulphart, en se serrant, crut pourtant s’abriter un peu, comme se fracassait un autre fusant. Les éclats fouettèrent le mur. Il courut quelques mètres plus loin, mais l’autre cave aussi était pleine. Les lèvres et les yeux étirés par un tic, il allait en bombant le dos sous les explosions, cherchant un trou où s’enfoncer. À chaque flamme, il s’aplatissait contre la paroi, se cachant la tête derrière son bras replié.

Des territoriaux chargés d’outils s’écrasaient dans les moindres recoins ; il se jeta sur l’un d’eux, dont les jambes seules dépassaient et s’insinua dans son trou, d’un furieux effort. Écrasés, face à face, souffles mêlés, les deux hommes se regardaient, chacun ne pouvant voir de l’autre que ses yeux fixes, et la moustache dure du vieux piquait les lèvres de Sulphart. Ils ne se parlaient pas, abasourdis, et leurs jambes mêlés se renfonçaient peureusement, voulant se cacher encore mieux.

Les coups se suivaient, par salves infernales, et tom-