Page:Dormienne - Les Caprices du sexe.djvu/19

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si ravissants. Louise de Bescé ne connaissait pas encore les prurits de la vulve.

Ce calme physiologique était le fruit de sa vie bien équilibrée, remplie de jeux sportifs, de promenades, de lectures, et d’actes en lesquels l’intelligence seule régnait.

Mais elle venait de voir des choses étonnantes. Un livre, jadis trouvé dans le grenier du château, fort mal traité certes par les rats, mais assez intact pour dire le secret de ses imageries, lui avait appris naguère la théorie de ce qu’elle venait de regarder vivre. C’était le De Figuris Veneris de Karl Forberg, un savant de Cobourg, qui a fait l’anthologie classée des divers comportements amoureux. Une estampe illustrait le chapitre intitulé : De la Futution. On y voyait une femme à quatre pattes, chevauchée par un homme nu. Mais nul n’ignore que les artistes inventent mille impossibilités. Louise de Bescé avait pris cela pour une clownerie destinée à réjouir le lecteur. Elle comprenait maintenant que cette prise de possession, imitée des bêtes, restait aussi un acte humain. Mais quel plaisir pouvait y trouver l’acteur mâle, debout et s’agitant en cadence ?

La jeune fille savait que le plaisir existe. Elle en connaissait les organes, car on ne vit pas à la campagne sans voir les animaux pratiquer leur accouplement et sans apparenter ce qu’ils font aux réalités de l’amour humain. Elle avait toujours imaginé pourtant que les amants dussent, dans l’intimité d’un lieu clos et confortable, s’aimer d’autre manière, avec langueur et sans fatigue aucune, sans labeur surtout, et sans cette fixité tragique des deux personnages qu’elle venait de surprendre.

Quant à l’acte de la femme, complétant des lèvres une volupté arrêtée à mi-route chez son partenaire, il lui semblait presque naturel. Qui eût suivi dans cette âme jeune et fraîche ces raisonnements, n’aurait pu refuser à Louise de Bescé la logique et la faculté de comprendre tout avec netteté, dans une réalité fort complexe.