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Page:Dornis - Essai sur Leconte de Lisle, 1909.djvu/108

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ESSAI SUR LECONTE DE LISLE

été pour Leconte de Lisle, quelque chose comme les nobles exercices du Gymnase où, autrefois, l’athlète acquérait la beauté de la forme, le développement musculaire, la souplesse de l’attitude, l’ampleur de la respiration qui lui était nécessaires pour entrer dans le Stade.

Aussi bien, dans cette longue fréquentation de l’Idéal hellénique fait-il des acquisitions plus précieuses : il discipline son esprit, il s’affranchit de ce qu’il avait emprunté de trop immobile et, à la fois, de trop excessif, dans la philosophie hindoue. Sans doute, ici comme là, il retrouve cette foi dans le « Destin », qui domine les initiatives de l’homme et fait planer, sur ses espérances, le sentiment de l’inutilité de l’effort. Mais, d’un siècle à l’autre, il verra la Grèce se libérer de ce mythe déprimant pour se laisser gagner par la fierté heureuse,, la jcie héroïque qui, après Marathon et Salamine, s’empare des Grecs et les transporte « non qu’ils aient cessé de croire à la Moire invisible, mais parce qu’ils espèrent que cette force qui domine tout, est peut-être intelligente. Leur amour de la beauté et de l’activité les sauvait, leur fatalisme étaient serein : ils aimaient la vie. »

La critique s’est demandé si Leconte de Lisle a rendu suffisamment sensible au lecteur, dans ses poèmes d’inspiration hellénique, cette allégresse harmonieuse qui, à partir du Ve siècle rayonne, en Grèce, de ses héros, de ses poèmes, de ses marbres :

« Leconte de Lisle, dit Théophile Gautier, est parfois plus grec que la Grèce. Son orthodoxie païenne ferait croire qu’il a été, ainsi qu’Eschyle, initié aux mystères d’Éleusis… Sa poésie austère, noble et pure, produit l’effet d’un temple d’ordre dorique, découpant sa blancheur sur un fond de montagne violette. L’hellénisme de Leconte de Lisle est plus franc, plus archaïque que celui d’André Chénier. Il jaillit directement des sources. Certains de ses poèmes originaux font l’effet d’être traduits de textes grecs ignorés ou perdus. » Et le divin Gautier qui, avait