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LA CONCEPTION DE L’AMOUR

« Je coulerai mes jours en de mâles plaisirs
Et n’enchaînerai point, d’amours efféminées,
La force et la fierté de mes jeunes années.[1] »


C’est à cette virginale, qu’il promet, mieux que le laurier dont dispose un poète, l’immortalité qu’Artémis accorde à celles qui lui furent fidèles, en fixant leur image « au milieu des étoiles. »

Une seule fois Leconte de Lisle fait une incursion dans la légende sacrée de l’Égypte, et c’est pour nous montrer un Dieu, se rendant au chevet de la fille du puissant Ramsès, la Vierge Néférou-Ra, pour l’arracher aux étreintes de la mort :


« Voici qu’elle languit sur son lit virginal,
Très pâle, enveloppée avec de fines toiles ;…
Hier, Néférou-Ra courait parmi les roses,
La joue et le front purs polis comme un bel or,
Et souriait, son cœur étant paisible encor,
De voir dans le ciel bleu voler les ibis roses.…[2] »


La tendresse du poète pour ces vierges adorables est si vive que, le jour où il rencontre, sur les grands chemins de l’histoire, la touchante Antigone mongole, Djihan-Ara, il fait fléchir la vérité pour l’idéaliser au delà de ses vraies vertus. Il n’est pas jusqu’aux houris de Mahomet qu’il ne séraphinise, dans la passion instinctive où vit tout fidèle, de peindre un paradis pareil à ses propres désirs :


« Les célestes houris que rien d’impur ne fane
Blanches comme le lys, pures comme l’encens… »


Lorsque, dans Bhagavat, il veut montrer l’homme torturé par les illusions de l’amour, l’image qu’il dresse dans la mé-

  1. « Thyoné ». Poèmes Antiques.
  2. « Néférou-Ra ». Poèmes Antiques.