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ESSAI SUR LECONTE DE LISLE

Parce que l’effluve invincible l’oppresse ;
Et parce que son beau sein qui se gonfle a frémi,
Sortent, de ses longs yeux entr’ouverts à demi
Deux rayons noirs, chargés d’une muette ivresse,[1] »


A-t-elle une âme, cette féline dont la peau délicate luit « sous la mousseline où brille le rubis ? »

En tous les cas on sent que le poète est d’avis, qu’en cessant d’être une vierge, la femme descend, des sphères de l’idéal, au rang des humanités vulgaires. Il note ces deux lignes de Paul Richter, pour en faire l’épigraphe d’une de ses premières pièces de vers : « L’ange replia ses ailes et revêtit la forme d’une créature humaine. » Il ne doute pas que la femme : « vers nous, des mains de Dieu, s’épancha blanche et pure », mais l’homme a posé sa lèvre sur ce front, il a courbé cette fleur sous son souffle, il a fait d’elle : « le doux martyr de la perversité. »

Et maintenant, la femme, mise hors de sa voie, est inférieure à l’homme en ce sens qu’elle a « l’invincible besoin d’un échange d’affections humaines. » La terre est vide pour elle « si l’être vivant en disparaît » ; elle ne voit le monde extérieur qu’à travers son amour ; la solitude lui pèse comme un néant ; elle est incapable « de se réfugier dans l’admiration de la nature. »

Enfin, elle est sans force pour transformer son amour de l’Amour, « en amour pour la Beauté idéale et artiste. »

Et le poète pense, qu’au fond, elle est demeurée égoïste, primitive, barbare, que sa faiblesse ne se défend qu’avec de la fourberie. Un court, moment, sous l’influence de George Sand et de Fourier, il avait consentit à la plaindre, ainsi, qu’autrefois, il s’était apitoyé sur le sort des esclaves de Bourbon, parce que l’homme avait abusé d’elle. Mais bien vite il se reprit :

« Il est loin de nous, s’écrie-t-il, le jour où l’homme a dit

  1. « La Vérandah ». Poèmes Barbares.