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Page:Dornis - Essai sur Leconte de Lisle, 1909.djvu/214

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ESSAI SUR LECONTE DE LISLE

mènent au vrai bonheur, qui est l’oubli des choses périssables et le désir de l’infini ![1]

À cet égard, sa foi est restée ardente : il est persuadé que le jour où le bien régnerait sur la terre « Dieu jaillirait de tout ». Et ces idées de jeunesse le suivront dans sa maturité. Mais, alors, à ses yeux, ce ne sera plus « Dieu », mais « l’Idéal », qu’il s’attendra à voir « jaillir de tout ».

« Le genre humain, dit-il, souffre d’un désir religieux, que vous n’exaucerez pas si vous ne le guidez dans la recherche de ses traditions idéales. » Et un jour, il se demande a lui-même quel est cet idéal-là :


« Pour quel Dieu désormais brûler l’orge et le sel ?
Sur quel autel détruit verser les vins mystiques ?
Pour qui faire chanter les lyres prophétiques
Et battre un même cœur dans l’homme universel ?[2] »


Ce Dieu, qui pourrait rallier tous les hommes, alimenter l’espérance infinie, il croit pouvoir le définir ; il l’appelle : « Liberté, » « Justice, » « Passion du Beau » il lui crie :


« Dites-nous que notre heure est au bout de l’épreuve,
Et que l’Amant divin promis à l’âme veuve,
Après trois jours, aussi, sortira du tombeau ![3] »


Mais le doute monte en lui, « appesantit sa joie ». Alors il veut croire, au moins, qu’à travers les Olympes anthropomorphiques on aperçoit des principes divins que l’esprit de l’homme n’a pu atteindre ni nommer :


« … Mais d’où vient que les Dieux qui ne mourront jamais…
En des combats pareils aux luttes des héros,
De leur éternité troublent le sûr repos ?
Est-il donc par-delà leur sphère éblouissante
Une Force impassible, et plus qu’eux tous puissante,


  1. Lettres de Bourbon, 1843.
  2. « L’Analhème ». Poèmes Barbares.
  3. lbid.