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LA CONCEPTION PHILOSOPHIQUE

l’espoir dans une Résurrection, l’autre aspire à l’éternel Repos. C’est une question de foi et une question de goût qu’on ne saurait invoquer pour condamner personne…[1] »

Le fait est que, non seulement le poète n’arriva pas, du premier coup, à cette conception du lendemain de la mort et de la destruction des apparences de la création, que serait le Néant, mais il eut encore, toute sa vie, des élans d’espoir qui sillonnent son œuvre.


« ... Vers un jeune soleil flotte l’esprit humain.[2] »


Avec une extrême perspicacité M. Paul Bourget a noté ces nuances et a découvert la cause de cet irrésistible élan :

« La philosophie de l’universel phénomène, écrit-il, a rencontré, dans Leconte de Lisle, une âme essentiellement, uniquement poétique. Ces âmes sont celles qui éprouvent le plus ardent besoin d’une solution humaine de la vie humaine, car nos exigences sont en raison directe de nos facultés et l’âme poétique possédant plus qu’une autre le pouvoir de sentir, subit plus qu’une autre, le désir effréné de sentir toujours…[3] »

D’autre part, Leconte de Lisle avait vu se dégager, de ses longues études historiques, la loi de l’évolution. Elle était devenue pour lui comme une sorte de credo scientifique, qui servait de base à ses pensées quotidiennes, à sa vie pratique, il avait des violences de dévot contre ceux qui n’apercevaient pas cette clarté :

« La Révolution, disait-il, s’accomplira, parce que l’humanité contient virtuellement un dogme nouveau qui se manifestera après une durée morale de gestation. L’ordre social actuel sera anéanti par tous les moyens, parce qu’il est irréligieux et mauvais, mais pas un seul des démocrates ac-

  1. Journal des Débats, 1887.
  2. « Solvet Seclura ». Poèmes Barbares.
  3. Paul Bourget : Nouveaux essais de psychologie contemporaine.