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Page:Dornis - Essai sur Leconte de Lisle, 1909.djvu/300

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ESSAI SUR LECONTE DE LISLE

médiocre matière. Les apparences extérieures peuvent demeurer quelque temps les mêmes, mais c’est, alors par en dedans, que l’œuvre d’art fléchit. Ce qui était son essence même, sa raison d’être, ce qui lui créait une âme, s’est évanoui.

Les signes de la décrépitude que ce formalisme conventionnel avait apportée vers 1830, dans les arts plastiques, nous détourne, avec un mouvement d’agacement et d’humeur, des œuvres que nos grands-pères ont le plus admirées. C’était le règne des « keepsake » de ces haïssables images qui triomphaient dans les salons bourgeois à l’époque de Louis-Phillippe, et que, par exemple en peinture, figèrent la représentation des types divers de la beauté féminine dans les images, anonymes, des « Quatre Saisons ».

Des insuffisances identiques flétrissaient au même moment la prose, et encore plus les vers. L’indignation d’un Leconte de Lisle contre les platitudes d’un Bérenger et de tous les rimeurs de romances, dont la vague pensée s’éclairait des vignettes dessinées sur des couvertures de recueils musicaux et poétiques, correspondaient aux colères des rénovateurs de la peinture française qui voyaient l’histoire devenir, avec un Paul Delaroche, une matière à illustrations anecdotiques.

Du moins, dans l’ordre de la prose, des hommes comme Stendhal et Mérimée avait-ils commencé à donner, à côté de leur esthétique, l’admirable exemple de ce que l’on nomme le « caractère » en art. Les études italiennes de Stendhal et les portraits que Mérimée avait faits de Carmen de Colomba, dégageaient de la convention ces traits d’individualisme, ce particularisme des milieux et des types qui, comme le relief à la médaille, donnent toute sa valeur à une observation littéraire. Mais dans le camp des poètes on s’attardait davantage. L’harmonie musicale des vers de Lamartine empêchait ses lecteurs de regarder de près à la logique, à la clarté, au sens. Le romantisme d’un Musset charmait