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Page:Dornis - Essai sur Leconte de Lisle, 1909.djvu/306

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ESSAI SUR LECONTE DE LISLE

supérieur et populaire, : « il manifeste ce qu’il y a de plus élevé, et le manifeste à tous…[1] »

« … La science est l’étude raisonnée et l’exposition lumineuse de la nature extérieure, écrit Leconte de Lisle. C’est son rôle de rappeler à l’art le sens de ses traditions oubliées pour qu’il les fasse revivre dans les formes qui lui sont propres… L’art et la science, longtemps séparés par des efforts divergents de l’intelligence, doivent donc tendre à s’unir étroitement, si ce n’est à se confondre…[2] »

La façon dont le poète a réussi finalement à unir, dans ses vers, la science et l’art lui ont valu les approbations les plus chères à sa conscience d’artiste. On devine avec quelle joie d’avoir été si pleinement compris et approuvé, il put lire, dans les leçons sur l’Évolution de la Poésie lyrique de Brunetière, ces lignes qui le concernent :

« … La science et la poésie ne sont pas la même chose, mais elles ont les mêmes racines dans les profondeurs de l’esprit, quelque chose de commun entre elles, et, de mettre en lumière par des moyens qui lui sont propres ces affinités secrètes ou cette parentée primitive, c’est une des fonctions de l’Art, si même ce n’en est pas la fin… »

En effet, Leconte de Lisle s’est trouvé conduit à réaliser, d’une manière inattendue, par l’alliance de la Science et de la Poésie, un idéal plus contemporain que celui des plus déterminés partisans de la modernité en art. Il ne s’agit pas ici de soumettre la poésie, ni l’art en général, aux méthodes de la science. Encore moins est-il question, — sous prétexte de modernité, — d’interdire au poète de puiser son inspiration aux sources de la légende ou de la fable. Ce que Leconte de Lisle a pensé, c’est que pour parler, fut-ce en vers, de l’Inde, de la Grèce, ou de Rome, peut-être était-il bon de commencer par les connaître et, pour cela, de les étudier.

  1. Taine : La Philosophie de l’Art.
  2. Préface des Poèmes Antiques, 1855.